— C’est NON !
Ces deux mots avaient fait l’effet d’une explosion émotionnelle et physique pour la jeune Juliette.
Le barrage qu’elle avait construit toutes ces années venait de lâcher.
Une accumulation de gouttes d’eau jour après jour, durant tout ce temps …
Le vase était devenu un immense lac sombre dans le cœur de Juliette.
Jusqu’à ce soir.
Une force puissante l’avait poussé cette fois à prendre la parole et dans l’élan à passer à l’acte.
Et maintenant, elle courait dans sa longue robe abîmée.
Ses jambes la faisaient souffrir.
Son souffle saccadé, perturbé par les sanglots, ne lui permettait pas de reprendre ses forces.
Elle trébuchait sans arrêt sur le matelas de feuilles de la forêt.
Elle avait dû fuir devant l’horreur de son geste.
Elle revoit les ombres des bougies sur les murs, le corps allongé au sol sans vie.
Les cris avaient déclenché l’alerte.
Et maintenant, elle devait fuir, pourchassée par les chiens.
Elle entendait les ordres de leurs maîtres et apercevait les lueurs des torches à travers les arbres.
Après des années de silence, deux simples mots allaient la conduire à sa fin.
Elle le sait.
Et dans un acte manqué, elle trébuche à nouveau sur une racine et s’effondre au sol.
L’envie de courir s’évapore.
Elle se relève sans conviction et déjà des chaînes entourent ses poignets dans son dos.
Les aboiements des chiens se confondent avec les menaces des hommes.
Elle connaît son sort.
Tout comme ces deux mots furent un soulagement, la mort qui l’attend en sera un également.
Le petit Jérôme se réveille en sueur, haletant, comme s’il avait lui-même couru dans cette forêt.
Sa grand-mère ouvre la porte de la chambre, un verre d’eau à la main, et vient s’asseoir au bord du lit.
— Tu as crié « C’est non ! », tellement fort que tu m’as fait peur ! dit-elle en souriant. Tu as fait un cauchemar ?
— C’est Juliette … elle a dit « non » … et elle est morte …, hésite Jérôme encore à moitié endormi.
Sa grand-mère lui tend le verre d’eau, qu’il boit délicatement en essayant de maîtriser ses tremblements.
— J’ai eu peur pour elle, continue-t-il la gorge serrée, comme avec Matthias qui m’embête à l’école, j’ose pas lui dire d’arrêter …
— C’est l’histoire de Juliette, mon petit bonhomme, pas la tienne, répond simplement la grand-mère. Ce cauchemar est juste là pour te montrer une peur en toi. Tu peux la laisser s’en aller, comme ce mauvais rêve va s’évaporer de ta mémoire, fait-elle avec un geste léger de la main. Quant à ce Matthias, quand ce sera le moment, tu oseras.
La grand-mère du petit Jérôme l’aide à se recoucher, remonte la couverture sur lui et murmure :
— En osant dire, on ose changer.
Éclaireur
(pour en savoir plus sur mon cheminement, lire qui suis-je ?)
Bonjour Jean-Philippe, merci pour cette magnifique histoire et cette très belle conclusion, qui coule de source : en osant dire, on ose changer, tellement vraie !
Bonjour Jean Philippe, Le « non » est en effet libérateur. Il m a fallu très longtemps pour rompre le lien relationnel conflictuel avec ma fratrie, relations de maltraitance psychologique, uniquement lorsqu il n y avait pas de témoin. Avec témoin c’était lde leur part le jeu de la relation fraternelle. La maladie de notre mère nous a de nouveau mis en contact et les abus psychologiques, lorsqu il n y avait pas de témoin, ont repris de leur part comme s il n y avait pas eu d interruption, plus intensément encore et destructeur de la part de ma « sœur ». Le décès de ma mère a permis de rompre à nouveau ce lien relationnel toxique. Mes relations avec moi même ont totalement changées et évoluées harmonieusement ainsi que mes relations aux autres où la colère et l’agressivité prédominaient auparavant.
Il m a fallu plusieurs années avant de pouvoir mettre un mot sur le chaos dans lequel je me trouvais. Je savais depuis mon enfance que cette situation était anormale mais je ne pouvais en définir la cause.
Merci et bonne journée Jean Philippe
Christine
C est beau, une super mamie
Bonjour Jean Philippe
c’est toujours un grand plaisir de te lire
et un moment de réflexion .Dire non libère.
Oser le prononcer ce non, pas facile pour celui ou
celle qui à souvent dit oui, ni pour celui qui le reçoit.
cela évidemment dépend du contexte.