La voiture de Matthieu est tombée en panne.
Heureusement, il a pu rentrer chez lui et la voiture a été emmenée au garage, merci l’assurance !
En attendant qu’elle soit réparée, il a pu trouver une voiture de location chez un particulier, mais elle se trouve à 15 km de chez lui !
Perdu au milieu des collines, il se voit déjà parti pour une bonne randonnée de plus de 3 heures …
Il pense bien pouvoir faire du stop, mais une part de lui écarte cette option, comme si ce n’était pas envisageable.
— Et de toute façon, sur ces petites routes, il n’y aura pas grand monde, se dit-il.
Il imagine déjà la conversation avec la propriétaire de la voiture, lui expliquant qu’il aura marché 3 heures pour venir.
Le lendemain, il prépare de l’eau, quelques encas et il se met en route alors que le soleil se lève à peine.
Une part de lui aime cette petite aventure improvisée, une autre part de lui est frustrée de la panne de sa voiture et de devoir gérer tout ce qui s’ensuit.
Son téléphone lui propose plusieurs itinéraires, selon qu’il choisit à pied ou en voiture, des petits chemins lui permettant de couper à travers les prés.
Il hésite à plusieurs embranchements.
Soit il prend le trajet le plus court en ayant moins de chance d’avoir une voiture qui passe, soit il reste sur un plus grand axe pour augmenter ses chances.
— De toute façon, je n’ai vu aucune voiture jusqu’à présent ! s’exclame-t-il en empruntant le chemin le plus court.
Direction le petit village en bas de la colline.
Il anticipe déjà la prochaine étape et se rend compte de la côte qui l’attend de l’autre côté du village.
Quelle aventure ! Il pense déjà pouvoir raconter son périple à sa famille plus tard.
Une voiture passe.
Matthieu ne se donne même pas la peine de faire du stop.
— A quoi bon, il va falloir que je change de direction au prochain village et il est à 15 minutes de marche à peine maintenant.
Une deuxième voiture passe.
De même, Matthieu ne fait rien.
Mais il se demande quand même pourquoi il n’essaie pas de faire du stop, même pour lui faire gagner 15 minutes.
Arrivé au village, son GPS lui donne à nouveau le choix, un trajet court jusqu’à la prochaine étape avec la côte ou plus long mais sur un plus grand axe vers une étape différente.
Matthieu hésite et choisit encore une fois le trajet le plus court.
— De toute façon, le stop n’a pas super fonctionné jusqu’ici ! se dit-il.
Matthieu entame alors la côte aperçue auparavant.
Il sent son cœur battre, sa respiration prend un rythme pour tenir l’effort.
Après une heure et demie de marche déjà, ses jambes commencent à tirer un peu dans cette côte.
Le paysage est plutôt agréable mais quitte à choisir, il préférerait être ailleurs ou faire autre chose.
— Peut-être aurais-je dû prendre l’autre itinéraire, commence à ruminer Matthieu.
Il passe en revue ses pensées et secoue la tête de gauche à droite.
— Evidemment ! Si je prends les petits chemins, y’a moins de chance que je puisse faire du stop !
Une voiture approche et il ne se donne pas la peine de faire du stop, elle disparaît rapidement en haut de la colline.
Matthieu lève les yeux au ciel, prenant conscience de son comportement.
— Et puis, c’est sûr que si tu ne demandes pas à faire du stop, ça ne risque pas d’arriver !
Matthieu fulmine en marchant.
Il s’interroge sur ses propres décisions, sa manière de penser.
— Ça n’a pas de sens ! Pourquoi je fais ça ? Pourquoi je ne fais pas de stop ?!
Et la réponse lui vient presque automatiquement, comme s’il discutait avec lui-même.
— Parce que ce serait trop facile !
— Et alors ? au moins j’arriverai plus vite !
— Oui mais dans ce cas, tu ne pourras pas te plaindre autant … plus c’est dur et plus tu peux te plaindre !
Matthieu est surpris de cette réponse.
Se pourrait-il qu’il cherche inconsciemment à pouvoir se plaindre ensuite ?
Il déglutit.
Il se rend compte qu’il a imaginé plusieurs fois déjà des conversations où il pourrait raconter qu’il a dû marcher trois heures, avec des côtes difficiles et qu’il n’a pas pu faire de stop (sans mentionner bien sûr que des voitures étaient quand même passées …).
Matthieu s’arrête pour boire un coup en haut de la colline et reprendre son souffle.
Il pose une main sur sa hanche.
— Je pense vraiment comme ça ? se demande-t-il honnêtement, la gourde toujours à la main.
Matthieu regarde au loin comme si la réponse se trouvait sur l’horizon.
Il se remet en route.
— Bon, et si ça pouvait être facile d’arriver à destination ?! se demande Matthieu avec un sourire, amusé.
Il jette un œil à son GPS, le petit chemin continue encore un peu avant d’arriver à un carrefour avec de plus grands axes. La destination est encore trois villages plus loin.
— De toute façon, faut bien que je finisse ce bout de chemin !
Arrivé au carrefour, Matthieu hésite à nouveau, chemin plus court ou chemin moins direct mais avec plus de circulation ?
Il se surprend à revenir dans son ancien mode de pensée.
— Non, non, non, fait-il en secouant la tête, quel serait le chemin le plus facile et le plus rapide ?!
Son regard se tourne vers la droite, vers le plus grand axe.
— Allez c’est parti ! dit joyeusement Matthieu.
Quelques instants plus tard à peine, il entend une voiture arriver derrière lui.
Résistant à sa réaction habituelle, il se retourne avec un grand sourire et le pouce levé.
La voiture s’arrête et la vitre se baisse.
— Vous allez où ?
— A Evrieux, vous pouvez m’avancer ?
— C’est là que je vais justement, montez !
Matthieu n’en revient pas, ses pensées et ses émotions partent dans tous les sens, à la fois réjoui et déçu, amusé et fatigué.
— Vous marchez depuis longtemps ? demande le conducteur.
— Depuis Gerniac, répond Matthieu, sentant la fierté monter en lui.
— Gerniac ?! punaise, ça fait une trotte !
— Oui, ma voiture est tombée en …
Alors que Matthieu se lance dans une explication, il prend conscience que c’est typiquement le genre de conversation qu’il imaginait avoir … pour pouvoir se plaindre ou plutôt être plaint.
Il termine alors rapidement et renvoie la conversation vers le conducteur.
Dix minutes plus tard, il arrive à destination avec une heure d’avance au rendez-vous.
Il remercie chaleureusement le conducteur et termine le trajet à pied.
Le soleil a percé les nuages.
Matthieu observe le ciel, et sourit.
Éclaireur
(pour en savoir plus sur mon cheminement, lire qui suis-je ?)
Ah ce sacré mental… Le faire taire de temps en temps, quel challenge ! Avec un peu d’entraînement, de sophrologie, de méditation, c’est possible… c’est ce que j’arrive à faire parfois, mais non sans mal! Merci pour ces jolies fables qui collent souvent avec notre propre chemin !
Merci pour cette histoire ô combien édifiante et réaliste.
Ces ruminations mentales finissent tôt ou tard par créer des blocages dans le corps, à l’image de ces « calculs » qui peuvent se former ici ou là, du grain de sable au caillou, pour nous dire qu’il est grand temps de faire taire le mental, de dissoudre le passé, le digérer… bref de vider notre sac, pour arriver plus léger à bon port.
Merci Jean -Philippe,
Oui pourquoi faire compliqué quand en changeant d’esprit on pourrait faire plus facilement?
Serait-ce aussi cette manière de penser entendue maintes fois: « Il faut travailler dur pour réussir »? C’est-à-dire le sentir à travers tout son corps et son âme les désagréments d’une intention négative finalement?