“Plus jamais au Portugal !”

— C’est pour un recommandé !

Justine hésite un peu devant la lettre que lui tend le facteur sur le pas de sa porte.

Elle se demande si cela vient du propriétaire, pour mettre fin à leur location. En effet, il avait évoqué le fait qu’il puisse demander à récupérer l’appartement à l’horizon 2 ans et on y est ! pense Justine. Mince après tous ces efforts pour nous installer ! On connaît enfin les voisins, on a pris nos habitudes et puis là avec le changement de boulot, elle n’a vraiment pas le temps de chercher un autre appartement …

— Alors ? Vous signez ?

Justine sort de ses pensées et demande :

— Je peux voir l’expéditeur ?

Le facteur retourne le courrier pour chercher l’expéditeur.

Justine lit avec difficulté : “Policia Municipal de Sintra”.

Elle n’est pas sûre de comprendre, elle signe et en rentrant chez, elle se demande ce que c’est, puis fait le lien avec leur récent séjour au Portugal.

— C’est quoi ? lui demande Thomas qui prépare un café.

— Je sais pas, je croyais que c’était le propriétaire d’abord mais on dirait que ça vient de la police du Portugal.

Elle ouvre l’enveloppe et essaie de comprendre un long courrier, écrit en petits caractères en langue portugaise.

Elle reconnaît quelques mots ici et là et ses informations personnelles, son numéro de permis de conduire, de passeport et le modèle du véhicule qu’ils avaient loué pour se balader, notamment pour aller visiter la ville de Sintra.

— Je crois que c’est une amende pour stationnement quand on est allé à Sintra ! s’exclame Justine.

Thomas lui prend doucement le document des mains.

Justine continue :

— Mais attends, on s’est garé près de la gare, je me rappelle, et on a marché une trotte après pour visiter, et on a payé le parking, je me rappelle ! Et puis pourquoi ils ne nous arrêteraient pas directement pour nous dire l’infraction, plutôt que de nous envoyer ça par courrier, c’est quand même fou ! s’emballe Justine.

— Estrada Da Pena … prononce doucement Thomas.

— Attends, attends, on va regarder sur internet, dit Justine en se jetant sur son ordinateur.

Elle clique frénétiquement, concentrée sur son écran, tapant quelques touches ici et là.

— Regarde, Thomas, c’est là qu’a été commise l’infraction, on n’a jamais conduit à cet endroit ! On était garé là, à 2 km ! C’est du foutage de gueule ! Ils se foutent de la gueule des touristes, punaise ! Et puis regarde – elle reprend le papier des mains de Thomas – c’est 30 euros, et là 150 euros si tu paies pas rapidement, je te parie ! Et qu’est-ce que tu veux faire à 1500 km ? Attends, y’a un numéro, je vais essayer de les appeler ! Plus jamais le Portugal, crois-moi …

Elle retape frénétiquement sur son ordinateur pour trouver quelques mots à dire en portugais pour demander à parler à quelqu’un en anglais ou français.

Elle tape le numéro de téléphone indiqué sur le document et commence à soupirer exagérément.

— Punaise, c’est un serveur vocal en portugais, franchement pour une ville si touristique, ils pourraient aussi mettre une option en anglais !

Elle fronce les sourcils.

— Ah attends, j’ai capté “policia”, je vais essayer … Allô ? Speak English ? Parler anglais ? … No … obrigada …

Elle raccroche exaspérée.

— Super, donc y’a plus qu’à payer 30 euros alors, c’est une vraie escroquerie ! Plus jamais je te dis !

Elle sort son téléphone pour traduire le document.

— Alors, si, tu peux contester, dit-elle sur un ton sarcastique, mais il faut d’abord payer l’amende et ensuite envoyer les preuves et les témoignages pour justifier. Tu m’expliques comment tu justifies que tu n’étais PAS quelque part ? Hein, franchement, c’est du gros foutage de gueule, plus jamais je ne remettrais les pieds là-bas, c’est un attrape-touriste en bande organisée ! Je vais payer mais punaise, ils vont m’entendre, je vais peut-être même l’ambassade de France au Portugal en copie tiens, histoire de leur montrer comment leurs compatriotes sont traités, ça leur fera les pieds ! On en est où là ? Franchement, on se croirait au Mexique dans les années 80, où il fallait filer un billet aux policiers pour circuler librement. Plus jamais …

— T’es déjà allée au Mexique ? l’interrompt Thomas naïvement.

Justine se retourne, surprise, comme si elle découvrait que Thomas était dans la pièce.

— Non, mais j’imagine, répond Justine, hésitante, j’ai vu ça dans des séries à la télé quand j’étais ado … Bon, laisse-moi payer qu’on passe à autre chose.

Elle tape les coordonnées bancaires pour faire le virement.

— Je peux revoir le document ? demande Thomas calmement.

Elle le lui tend distraitement.

— Franchement, super la surprise du samedi matin, continue Justine, j’ai que ça à faire de payer 30 euros à la police pour une infraction à un endroit où on n’était pas ! Mes mollets s’en rappellent encore de la marche ! Et comment tu prouves que tu n’étais pas quelque part, franchement, c’est quoi la logique ? Plus jamais, le Portugal, tu m’entends ?!

— Un endroit où on n’était pas, un jour où on n’y était pas … dit Thomas.

Justine s’interrompt et le regarde.

— T’as la confirmation de la location de la voiture sous la main ? demande-t-il songeur.

Justine pianote vigoureusement sur son PC et tourne son écran.

Thomas se penche pour mieux lire.

— Du 22 au 29 ? ok, donc ce n’était pas nous, l’infraction date du 3, regarde ! lui dit-il en pointant du doigt un paragraphe du document. C’est l’agence de location qui s’est trompée en donnant nos informations, pas la police de Sintra. Y’a plus qu’à envoyer ça à l’agence de location maintenant pour qu’ils rectifient le tir …

— Quoi ? s’exclame Justine. Punaise, je n’avais pas vu …

— Bon et du coup, on pourra retourner au Portugal quand même ? demande Thomas avec un sourire.


A se laisser embarquer par les histoires qu’on se raconte, on se déconnecte du moment présent, de l’expérience et de la réalité, nous faisant perdre nos capacités de réflexion et de discernement. Et la (ré)solution nous échappe …

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2 réflexions au sujet de ““Plus jamais au Portugal !””

  1. Et du coup la bonne et heureuse nouvelle …. Ils ne quittent pas leur appartement .
    Qui dans les faits , auraient été plus dramatique et plus coûteux que 30 euros

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  2. Ah merci merci ! C’est exactement cela ! La vraie vie est bien plus calme que celle que l’on imagine. Dans ce cas même si les démarche sont importantes pour s’en sortir c’est moins que ce que l’imagination a créé.
    Il paraît qu’il n’arrive que 2% de tout ce que l’on peut imaginer !
    Merci de partager ces histoires 😉

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