Essayez le sourire du cœur

— Non, c’est pas vrai ?

Le petit garçon, assis en tailleur par terre ouvrit de grands yeux puis demanda :

— Mais pourquoi ils faisaient ça ?

— Ça coûtait moins cher sur le moment ! répondit le grand-père en soupirant profondément dans son fauteuil.

— Le monde marchait sur la tête. Regarde, les gens avaient des réfrigérateurs, des grosses boîtes qui refroidissaient les aliments si tu veux. Ces grosses boîtes étaient dans des habitations que l’on chauffait pour être confortable parce que dehors il faisait froid. Quelle perte d’énergie ! Du froid, dans du chaud, dans du froid ! Heureusement quelqu’un a inventé les naturofrigos dans les années 2040 qui utilisent l’énergie de l’air ambiant !

— Quoi d’autres, quoi d’autres ? demanda le petit garçon impatient.

— Les gens se déplaçaient en voiture, encore une grosse boîte, qui pesait au moins une tonne pour déplacer le plus souvent une seule personne de 80kg. Tout le monde ou presque avait une voiture et ils en changeaient même très souvent.

— Mais c’est bête ! répondit le petit garçon. Et pourquoi ils en changeaient très souvent ?

— Parce qu’elle marchait plus bien, ou bien ils voulaient une nouvelle couleur, …

— Ils les réparaient pas ?

— Ça coûtait cher de réparer, soupira à nouveau le grand-père, c’était comme tout, il valait mieux racheter un produit neuf, parce qu’on ne savait plus réparer, on ne savait plus fabriquer pour que ça dure, et parfois même s’il y avait des solutions aux problèmes, elles n’étaient pas utilisées !

— Mais c’est bête ça, si t’as la solution au problème, pourquoi tu le fais pas ?

— Parce que les gens n’étaient plus intéressés par résoudre les problèmes du monde, ils étaient occupés à jouer un jeu auquel ils n’avaient même pas envie de jouer, à gagner plus d’argent, à faire encore plus, à aller plus vite, … sans réfléchir dans quelle direction.

— Ces gens ne devaient pas être très rigolos ! fit le petit garçon, la mine renfrognée.

Le visage du grand-père devint triste et son regard plongea dans l’abyme de ses souvenirs.

— Le monde pouvait être triste, oui, le beau avait disparu pour laisser la place au gris, au banal, au sans-vie. Les gens souriaient sans cœur, couraient sans raison, vivaient sans joie. Ils préféraient parler à leur téléphone plutôt que de se parler en vrai, ils croyaient que la technologie allait les aider à mieux vivre, alors qu’elle ne les aidait qu’à courir encore plus vite. Ils apprenaient à l’école des choses parfois sans importance qui n’allaient pas aider à résoudre les problèmes du monde.

Le petit garçon se mit à pleurer.

— Mais, mais, pleurnicha-t-il, ils devaient être malheureux ?!

— Oui, mais ce n’était rien pour eux, ils ne s’en rendaient pas compte, ils dormaient. Le monde fonctionnait principalement avec des personnes endormies. Ils faisaient un travail qu’ils n’aimaient généralement pas, qui ne correspondaient souvent pas à leurs valeurs et même s’ils prenaient conscience de l’état du monde, ils pensaient qu’ils ne pouvaient rien y faire.

— Et les autres ? Ceux qui ne dormaient pas ? Ils ne pouvaient pas le changer le monde ?

Le papy sourit.

— Pas facile d’être réveillés dans un monde d’endormis, tu sais, mais tu as raison, c’était à eux de changer le monde. Et c’est ce qu’ils ont fait. D’abord, ils ont commencé à changer eux-mêmes, leurs habitudes, ce qu’ils mangeaient, comment ils vivaient, comment ils se traitaient les uns les autres. Ils pensaient que ce qu’ils faisaient n’était pas grand chose et pourtant ! Toi tu le sais très bien mais à l’époque, ils n’imaginaient pas l’impact d’un sourire qui vient du cœur !

— Parce qu’avant, on pouvait sourire sans cœur ? demanda le petit garçon.

Le grand-père se concentra un instant comme pour préparer une mauvaise grimace et sourit sans cœur en regardant son garçon.

— Beurkk, mais c’est horrible comme sourire ! s’exclama le petit garçon en reculant de dégoût.

Le grand-père se contenta de sourire avec cœur cette fois et continua.

— Et puis, à force de se sourire les uns aux autres, avec cœur, ils se sont rendus compte qu’ils n’étaient pas seuls. Et en se regroupant, ils ont commencé à mettre en place les solutions aux problèmes. D’abord des petits problèmes comme réparer des vêtements, ou une voiture au lieu d’en changer, puis ensuite des plus gros pour mieux manger, mieux boire, mieux vivre.

— La Grande Bascule a lieu à ce moment-là ? demanda le petit garçon.

— Non, pas tout de suite. Au début, ils croyaient que ça ne servait à rien, qu’il y avait encore tellement de problèmes et tellement de personnes endormies, que la tâche était immense pour changer le monde. Mais ce qu’ils ne savaient pas, c’est qu’en faisant ce qu’ils faisaient, même si ça paraissait insignifiant, cela réveillait les endormis petit à petit. Comme une petite lumière dans l’obscurité qui te réveille doucement. Parfois, cela prenait du temps, parfois ça allait assez vite.

— Et là, la Grande Bascule ! interrompit le petit garçon.

— On y est presque, souria le grand-père. Une fois réveillés, ces personnes commençaient elles aussi à changer elles-mêmes, leurs habitudes, ce qu’elles mangeaient, comment elles vivaient, comment elles se traitaient les unes les autres. Et elles commençaient à sourire avec le cœur aussi !

Le petit garçon fronça les sourcils, en repensant au sourire sans cœur de son Papy.

Le grand-père continua.

— Et puis, à force d’avoir de plus en plus de réveillés, les gens mirent en place des solutions à des problèmes de plus en plus gros ! A l’école, on apprenait désormais aux enfants à gérer leurs émotions, à mieux gérer leur énergie, à développer leurs talents naturels. On construisait des habitations faites pour durer, avec du beau, avec des matériaux sains. Les règles ont été simplifiées pour mieux vivre ensemble, des pans entiers de l’industrie se sont effondrées parce qu’elles n’intéressaient plus personne ou parce que les gens ne voulaient plus y travailler parce qu’elles avaient pris conscience que ces entreprises nourrissaient plus les problèmes qu’elles n’essayaient de les résoudre.

— Ça été difficile pour les gens ? s’inquiéta le petit garçon.

— C’était difficile pour les endormis, ceux qui s’accrochaient à l’ancien mais les réveillés pressentaient là où tout ça allait mener. Leur conscience avait grandi, ils avaient compris que c’était par eux que passait le changement, que chacun avait sa place et que chacun avait un rôle à jouer. Tout ce qu’il fallait pour que le monde bascule, c’était essayer d’apporter plus de conscience pour soi, pour les autres. Finalement, c’était ce que tous les réveillés faisaient, chacun à leur manière, parfois sans comprendre, avec des doutes, mais toujours avec un sourire du cœur.

— Et toi, Papy, t’as fait quoi pour essayer d’apporter de la conscience ?

— J’ai écrit des histoires, répondit-il en souriant, j’ai écrit des histoires …

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28 réflexions au sujet de “Essayez le sourire du cœur”

  1. Merci pour ce merveilleux conte que d’aucuns pourraient taxer d’utopiste mais que je qualifierais plutôt de visionnaire.
    En effet, certaines personnes commencent à prendre conscience que l’Humanité court à sa perte, entraînant avec elle tout le Vivant qui nous entoure.
    Bien entendu, on entend très peu parler dans les médias de ces initiatives personnelles ou locales visant à apporter plus de chaleur humaine, de solidarité, d’Amour inconditionnel car toujours cet Audimat en ligne de mire qui rapporte plus en relatant des crimes ou catastrophes qui jouent sur la peur des gens. Et pourtant, elles se créent un peu partout dans le monde, ces oasis de Lumière…
    Mais je suis confiante tout d’abord parce que l’Univers ne peut tenir que s’il reste en homéostasie (équilibre de toutes ses énergies) et donc si l’obscurité augmente, la Lumière aussi et car je sais que l’être humain est foncièrement bon.
    Quelle tristesse d’attendre qu’il y ait des catastrophes pour s’en rendre compte…
    Peut-être y aura-t-il un temps de dures épreuves à traverser, conséquences de nos choix et actes actuels, mais une nouvelle Humanité émergera après ces terribles souffrances et donnera ce qu’il y aura de meilleur en elle.
    Alors, pourquoi attendre ces épreuves qui pourraient être évitées et ne pas changer nos modes de fonctionnement MAINTENANT !

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  2. Waou! Quelle belle allégorie…
    Tout est dans l’attitude, dans l’ambiance, si tu aimes mieux, dans l’état d’esprit… Je vais sourire avec mon coeur aujourd’hui.
    Merci

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  3. Merci Jean-Philippe !
    Ton histoire est magnifique et tellement vraie, tellement ressemblante à ce que nous vivons par moments dans ce monde d’éclaireurs (certains…) en gestation, en essayant de donner, ou plutôt de témoigner par petites touches, dans le Collectif !

    C’est un extraordinaire cadeau de Noël qui me va droit au coeur et me met littéralement en Joie ; cette Joie perce la sombre chape pour laisser filtrer la Lumière… à qui sait Voir dans lOmbre….

    Au plaisir de ta prochaine histoire !

    Joyeux Noël à toi et tous les tiens !!

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  4. Bonjour Jean-Philippe,
    Votre anecdote est bien écrite, émouvante et tellement vraie. Voilà un tableau qui reflète bien la société d’aujourd’hui et le comportement des gens non encore ouverts, et il y en a !
    La réflexion du Dalaï Lama est du même tonneau : ” Ce qui me surprend le plus chez l’homme occidental, c’est qu’il perd la santé pour gagner de l’argent, puis dépense de l’argent pour regagner la santé.”
    Merci pour ce bon moment de lecture !
    Bien à vous

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  5. Jean-Philippe,
    Pourquoi la présentation quotidienne de “Conversation avec Dieu” a-t-elle changé ? Elle est plus difficile à lire avec ses caractères plus petits. Peut-être est-ce transitoire ?

    Bien cordialement,
    Alain LECERF

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  6. Tout est dit, tout est déjà, là, dans le sourire du coeur. Se sourire, sourire à la vie, à l’autre et se reconnaître.
    Merveilleux message en ce temps de lumière, de partages. Que le sourire soit le présent pour chacune, chacun

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  7. Très sympa cette mise en scène de JP grand père dans le futur !
    Continuez à nous faire rêver au futur positif, à éclairer le chemin… Cordialement. Joëlle

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