J’avais dix ans et je venais de casser ma tirelire.
D’habitude, j’attendais mon anniversaire ou Noël mais cette fois-ci, j’étais impatient.
Lego venait de sortir un nouveau modèle, la pelleteuse excavatrice :
A l’époque, c’était le modèle le plus complexe, avec un système pneumatique pour faire fonctionner les deux pelles, à l’avant et à l’arrière.
Ma maman m’a accompagné dans le magasin de jouets et je suis revenu avec la boîte sous le bras, pas peu fier d’avoir moi-même payé les 400 francs à l’époque.
Une vraie fortune, ma première dépense comme un grand.
J’ai donc pris le temps d’ouvrir la boîte, les différents sacs qui contiennent les pièces et je me suis à construire la « bête ».
Je me rends compte aujourd’hui que c’était méditatif pour moi comme activité.
J’étais présent à ce que je faisais, le temps n’existait plus.
Je termine les instructions et la pelleteuse est là devant moi, énorme, fonctionnelle, le meilleur jouet de tous les temps pour moi.
Je l’emmenais partout avec moi, aux repas, dans le salon, près de mon lit avant d’aller dormir.
Et puis, très vite dans les jours qui ont suivi, le soir, un doute, un vide, …
Le jouet n’avait plus d’intérêt pour moi, je commençais à regretter cet achat.
Je prenais conscience que j’avais adoré l’expérience de le construire mais au final, je n’avais pas vraiment envie de le posséder …
Alors bien sûr, j’ai encore joué avec, je l’ai démonté, j’ai reconstruit le deuxième modèle, j’ai construit d’autres choses avec.
Mais une prise de conscience depuis est restée.
Stop à l’hyper consommation
J’ai vu passer une pétition il y a quelques jours : stop à l’hyper consommation.
« N’achetez pas ! »
Sur le principe, je suis tout à fait d’accord, on consomme trop, on ne répare plus, on renouvelle sans en avoir vraiment besoin, on réutilise de moins en moins.
Maintenant, je n’aime pas qu’on me dise ce que j’ai à faire :-).
Plutôt que de lutter CONTRE l’hyper-consommation, j’aurais tendance à encourager une consommation raisonnée, en conscience.
A apprendre à consommer.
Parce qu’on a souvent besoin de choses pour vivre, construire, inventer, créer de la joie, …
Encore faut-il se poser la question : en ai-je vraiment besoin ?
Rendez le processus d’achat difficile
Quand je suis allé acheter mon jouet, c’était compliqué, il n’y avait pas internet, il fallait que quelqu’un m’emmène, que je retire de l’argent à la banque, que le magasin soit ouvert et qu’il ait le jouet que je voulais !
Aujourd’hui, en quelques clics, la commande est passée et le produit livré en quelques jours voire dans la journée.
Devant tant de facilité, jeune adulte avec mes premiers salaires d’ingénieur, j’ai fait des achats que j’ai regrettés ensuite.
Des gadgets technologiques ou des affaires qui prenaient très vite la poussière car au final je n’en avais pas vraiment besoin.
J’ai très vite commencé à revendre des objets sur internet (je suis vendeur sur ex-Priceminister depuis 1999 !).
Et je déménageais au maximum tous les deux ans, donc je me rendais compte à chaque fois des choses que j’accummulais et que je n’utilisais plus.
Alors j’ai décidé d’étaler le processus de décision.
Plutôt que d’acheter tout de suite, j’ajoute l’objet à mon panier et j’attends quelques jours pour voir si j’en ai vraiment besoin ou envie.
Et je n’enregistre pas mes coordonnées bancaires pour rallonger le délai.
Je me laisse le temps de douter de mon achat et de mon besoin.
Si au bout de quelques jours le besoin n’est plus là, c’est que ça n’en valait pas vraiment la peine.
Les choses que l’on possède finissent par nous posséder (Fight Club)
Je suis nomade depuis 18 mois, d’abord à mi-temps puis ensuite à plein temps, sans plus aucun domicile.
Ma relation au matériel a considérablement changé.
D’abord parce que je me suis rendu compte qu’on pouvait vivre avec finalement peu d’affaires, sans pour autant limiter son confort ou faire des sacrifices.
Au début, j’avais envie d’emporter plein d’affaires, notamment « au cas où », et petit à petit je me suis rendu compte que je n’en avais pas besoin, que je pouvais me débrouiller sans ou trouver une solution temporaire si besoin.
Je me suis rendu compte que ce qui comptait pour moi c’était plus l’usage que la possession.
Une fois que j’ai lu un livre, je le passe à quelqu’un d’autre, à quoi bon le posséder ?
J’ai déménagé des cartons et des cartons de livres, jusqu’en Nouvelle-Zélande (!), et concrètement, les avoir avec moi n’a absolument rien changé à ma vie, à part créer du poids et du frein à mon mouvement.
Sans compter le coût de les trimbaler à gauche à droite, j’aurais probablement pu les racheter tous une fois !
J’aime vivre dans de beaux endroits où je me sens bien mais je n’ai pas besoin de les posséder.
J’ai besoin de me déplacer mais je n’ai pas besoin de posséder une voiture.
Si j’achète quelque chose, il faut que ça rentre dans ma valise en volume et en poids donc je me pose la question du besoin réel.
Ou bien je vois ce que j’enlève de ma valise en échange.
Trouvez votre manière d’utiliser et de posséder
Vous allez me dire que je suis dans un extrême et vous avez probablement raison.
Mais c’est un mode de fonctionnement qui me convient très bien aujourd’hui.
Peut-être cela va-t-il changer plus tard mais aujourd’hui, je me sens léger et libéré d’un poids.
Cela me permet d’explorer cette relation au monde matériel, de comprendre la nuance entre faire l’expérience de l’objet et le posséder.
Car beaucoup de personnes ne font pas la distinction.
Donc je vous invite à explorer cette relation aux choses.
Car le problème, ce n’est pas la consommation ou l’hyper-consommation, c’est la consommation sans conscience de la raison qui nous pousse à consommer.
Explorer c’est questionner, de manière honnête avec vous-même :
- Qu’est-ce que je cherche à ressentir en achetant ceci ou cela ?
- Est-ce que je vais vraiment être plus heureux avec ça ?
- Est-ce que j’ai vraiment besoin de ça sur mon étagère ?
- Est-ce que j’essaie de combler un vide en moi ?
- Est-ce que j’essaie d’étouffer une émotion ?
- Est-ce que j’ai peur de manquer ?
- Est-ce que j’achète quelque chose pour paraître ?
- Est-ce que j’achète un objet pour avoir un statut social ?
- Est-ce que je cherche obtenir de l’amour ?
Votre comportement à l’extérieur n’est qu’un reflet de ce qui se passe en vous.
La solution n’est pas de résister à cette envie de consommer car cela va créer de la frustration, du ressentiment, du conflit à l’intérieur.
La solution est d’apporter de la lumière, de la conscience sur ce qu’il se passe en vous.
Quel est le vrai besoin que je cherche à remplir ?
Qu’est-ce que je cherche à ressentir ?
Comme très souvent, l’évolution des consciences ne se fait pas à l’extérieur pour tout le monde mais à l’intérieur pour chacun.
Éclaireur
(pour en savoir plus sur mon cheminement, lire qui suis-je ?)
merci et bravo d’aborder ainsi la conso:à 72ans j’ai ete happee par la fievre consommatrice d’autant que j’appartenais à un milieu pauv.re paysan.La conso distinguait les classes.Meme si la culture m’a un peu donne l’esprit critique j’ai succombe comme tant d’autres a la fievre acheteuse desannees 70.J’ai passe a cote de mon etre profond.Philosophe en fac je voulais faire mon rapport de maitrise sur etre et paraitre :Pas de prof pour me guider sur ce sujet.Dommage!
Merci pource partage d’une réflexion que je trouve très juste … vivre avec ce qui nous est nécessaire , mais sans surplus … On regarde d’ailleurs mieux ce qui est autour de nous ? car chaque chose rentre en interaction plus régulièrement avec nous .
Merci Jean-Philippe,
J’arrive aussi aux memes conclusions que toi, mais j’ai emprunté d’autres chemins de vie pour y arriver.
Tu exprimes cela avec beaucoup de finesse et en profondeur, cela m’a fait du bien de tout lire deux fois pour y mettre encore plus de profondeur. Les voyages de l’insoumis m’ont bien aidés aussi pour le vivre dans ma chair. 🙂
merci pour ton partage.
Etienne
Bonjour J-Philippe ?
Ton article me permet de poser c’te question… et d’y répondre : Qu’est-ce que je cherche dans une relation ?
TROUVER L’AMOUR QUI ME REMPLIT DE PAIX ?