L’arrivée de ‘homo amor’ sur Terre

La salle de conférence était pleine à craquer.

Les journalistes étaient serrés les uns contre les autres et essayaient d’avoir le meilleur plan sur le pupitre.

Des rumeurs avaient circulé mais le scientifique que tout le monde attendait en cet instant, n’avait ni confirmé ni infirmé ces fuites.

Le silence se fit dans la salle lorsque le scientifique apparut sur scène suivi d’une demi-douzaine de confrères.

L’hôte de l’événement prit la parole à mesure que le groupe s’approcha.

— Mesdames, messieurs, merci d’être venus si nombreux. Je pense que l’instant est historique et marquera à jamais un tournant dans l’histoire de l’Humanité. Je laisse le soin au Pr. Ernold de vous présenter sa découverte.

Le professeur s’avança vers le micro.

— L’avenir seul connaîtra l’impact de ces résultats … commença-t-il en regardant l’hôte du coin de l’œil. J’aimerais m’en tenir aux faits. Comme vous le savez tous, la comète Tibra a percuté un astéroïde, créant un fragment secondaire qui s’est écrasé sur la Terre dans le désert du Mozambique le 12 février dernier. Une équipe spéciale a été affectée à l’étude de ce fragment. J’avais pour ma part la responsabilité de la recherche d’éléments biologiques, autrement dit la recherche du vivant.

Un léger murmure parcourut la salle.

La tension était palpable comme si tout le monde connaissait la fin de l’histoire mais attendait de voir comment on allait y arriver.

— L’état actuel des recherches avait montré que nous avions déjà découvert les différents éléments constitutifs de l’ADN sur une comète, continua le professeur. Sur la comète Tibra, nous avons découvert des fragments complets d’ADN, dont la signature est unique, autrement dit, on peut y reconnaître un marqueur génétique qui nous permet d’identifier de façon certaine une espèce vivante par exemple, génération après génération.

Un journaliste impatient du premier rang prit la parole en se levant spontanément :

— Cela veut-il dire que vous avez découvert une nouvelle espèce vivante extra-terrestre ? Vous serait-il possible de la re-créer ?

L’hôte de la conférence fit un signe de la main et invita le journaliste à se rasseoir à garder ses questions pour la suite de la conférence.

— Je vais vous répondre directement, reprit le professeur. Il n’y a pas besoin d’essayer de la recréer car elle existe déjà sur Terre …

Les clameurs de l’assemblée envahirent la salle empêchant d’écouter la suite. Les questions fusèrent.

— S’il vous plaît, s’il vous plaît, interrompit l’hôte qui tenta de calmer la salle, laissons le professeur terminer son exposé et nous prendrons les questions ensuite.

Il fallut quelques minutes pour retrouver le silence.

Le professeur reprit le micro.

— Je disais que cette espèce existe déjà sur Terre, en tout cas ce marqueur génétique extra-terrestre est présent chez une espèce déjà existante mais pas chez tous les individus.

Le professeur fit une pause, devinant la prochaine question des journalistes. Il hésita longuement, jouant avec ses feuilles et ses lunettes.

— Cette espèce déjà existante … c’est l’Homme !


Le monde entier s’empara de la nouvelle à la vitesse des communications actuelles.

Les titres des journaux allaient de la simple explication des faits à des extrapolations les plus extrêmes :

Les extra-terrestres sont déjà parmi nous !

Est-il dangereux d’avoir un enfant avec un extra-terrestre ?

Vrai ou faux : les extra-terrestres sont-ils responsables de la guerre dans le monde ?

Est-ce que l’ADN extra-terrestre est contagieux ?

Faut-il renvoyer les extra-terrestres chez eux ?

La population mondiale fut sous le choc, ne comprenant pas bien les implications de cette découverte.

L’incompréhension laissa la place à la peur, alimentée par une presse traditionnelle en recherche de sensationnel.

Certains mouvements religieux devinrent plus virulents, rejetant le caractère humain des extra-terrestres.

— Dieu n’est pas extra-terrestre, il a créé l’homme à son image, l’humain est terrien par nature, défendit un invité d’un de ces mouvements sur le plateau.

— Comment savez-vous que Dieu n’est pas extra-terrestre ? Pourquoi ne pourrait-il pas l’être ? répliqua un chroniqueur, ravi de pouvoir provoquer un peu la pensée religieuse.

L’invité fut outré de ses questions mais un philosophe recadra le débat :

— Qu’est-ce que ça signifie être humain ? Faut-il que je fasse un test ADN pour savoir si je suis humain ? car en fin de compte, dans la rue, personne ne peut faire la différence, on parle seulement de savoir si on a une série de gènes ou non. Qu’est-ce que ça change vraiment ? La question que cela invite chacun à se poser, c’est qui sommes-nous vraiment ?

Le journaliste mal à l’aise à l’idée d’enchaîner sur ces questions, se tourna vers l’invité religieux :

— D’ailleurs, vous, vous êtes extra-terrestre ?

— Oh grand Dieu, non, répondit l’invité, bien sûr que non ! répondit-il.

— Vous avez fait le test ? Comment le savez-vous ? provoqua le chroniqueur.

— Et vous allez me demander de faire passer un test à Dieu aussi tant qu’on y est ? s’emporta l’invité.

— Pourquoi pas, comme ça, on sera fixé ! répondit le chroniqueur, provoquant des rires sur le plateau.


Le débat avait une ampleur mondiale.

De nombreuses études furent menées pour mieux comprendre le phénomène extra-terrestre.

L’une d’entre elles montrait que la part de la population ayant ce gène extra-terrestre augmentait, des nouveaux-nés présentaient même ce gène sans qu’aucun parent ne l’ait au départ.

Ce qui ne fit qu’augmenter la méfiance générale et la peur …

Les extra-terrestres furent accusés de provoquer les guerres, de contrôler l’économie, de diffuser des maladies.

Une proposition fut adoptée à l’Organisation des Nations Unies pour organiser un recensement des extra-terrestres dans le monde entier.

Des groupes résistèrent, hurlant au contrôle des masses, au fichage de tout un chacun et l’inutilité de cette mesure quand d’autres problèmes seraient bien plus prioritaires.

Mais le recensement eut lieu.

Tout le monde fut testé.

Et les résultats furent déstabilisants pour les autorités car aucune conclusion ne pouvait être tirée.

Il y avait des extra-terrestres à tous les niveaux, dans tous les milieux, dans les institutions, dans les affaires, dans toutes les religions, dans tous les pays, à tous les niveaux de responsabilités mais sans aucune tendance ou facteur particulier qui permettent de cibler une partie de population sur un critère plus clair qu’un test ADN.

Bien sûr, les tests furent remis en cause et des vérifications eurent lieu mais le recensement fit un flop.

Ne sachant pas quoi en penser, les populations retombèrent dans une méfiance exacerbée, voire une agressivité plus marquée envers les extra-terrestres, appelant même à leur extermination par pur principe de précaution !

Alors que la tension générale montait, une nouvelle fit l’effet d’une bombe.

Un scientifique avait testé les échantillons d’ADN trouvés sur le Saint Suaire, la relique qui aurait servi à envelopper le corps de Jésus Christ.

Ce qui ne manqua pas de déclencher des réactions ! Notamment sur les plateaux télé.

— Jésus Christ était un extra-terrestre ! Ha ha ha ! ça va jaser dans les églises ! s’exclama le chroniqueur. Et avec tous ces extra-terrestres partout, ils l’ont eu le retour du Messie ! Il sera dans l’ADN de la moitié de la population d’ici quelques années au rythme actuel !

— Et que pensez-vous de cette étude sociologique, reprit le journaliste préparant le terrain pour faire du buzz, selon laquelle les individus ayant le gène extra-terrestre seraient moins enclins au conflit et à la violence ? Qu’ils seraient plus capables d’empathie et d’amour ?

— On se dirige donc vers un monde de bisounours ? ricana le chroniqueur. Même pas sûr qu’on y arrive, mettez un bisounours et un non-bisounours sur un ring de boxe, je connais déjà le vainqueur !

— Et vous, qu’en pensez-vous ? reprit le journaliste en se tournant vers le philosophe.

Ce dernier prit une grande respiration comme pour essayer de faire passer un long message dans le peu de temps qu’on lui accordait.

— Nous sommes peut-être dans une transition cruciale et essentielle pour l’humanité. L’homo sapiens aurait remplacé Néanderthal par ses capacités intellectuelles, et ce de manière brutale. Peut-être qu’aujourd’hui, nous sommes en train de vivre une autre transition rapide certes mais plus en douceur et le remplacement progressif de l’homo sapiens par l’homo amor.

— L’homo amor ? demanda le journaliste.

— Oui, amor pour amour, l’homme non plus dirigé par l’intelligence comme homo sapiens, mais guidé par l’amour, le cœur.

— C’est cela oui … interrompit le chroniqueur en croisant les bras.

— Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins, continua le philosophe sans se démonter. Nous avons un choix à faire en tant que société, en tant qu’espèce. Allons-nous laisser la place à cette nouvelle version de nous-mêmes par amour ou bien la tuer dans l’œuf par peur ?

Le silence se fit sur le plateau.

Le philosophe sourit.

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5 réflexions au sujet de “L’arrivée de ‘homo amor’ sur Terre”

  1. Excellent 👏Merci Jean-Philippe. Nous sommes tous des extraterrestres de toute façon. D’où vient l’âme, d’où vient l’esprit ? Nous sommes sur la terre pour expérimenter la vie humaine, mais nous venons d’ailleurs, comme disait bien Jésus-Christ, Je Suis sur la terre mais Je ne Suis pas de ce monde.

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  2. Super ! oui, mettre à profit l’entièreté de ce que nous sommes en direction de l’Amour. Car c’est ce que fondamentalement nous sommes; Amour. La Vie, la Mort, l’Amour tout cela n’est-il pas une seule et même chose, tout cela n’est-il pas de même nature ?
    Ce qui est génial c’est que dans l’Amour, on communique avec tout ce qui nous entoure, on donne et on reçoit, même avec des gens qui ne sont pas sur la terre. C’est merveilleux !

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