Juliette rendait visite à sa grande tante, Lucienne.
Elle lui devait bien ça.
Elle avait fait 4 heures de route exprès.
Elle voulait lui annoncer en personne le décès de sa grand-mère, la grande sœur de Lucienne.
Cela faisait plusieurs années qu’elle n’était pas venue.
Parfois le temps passe sans s’en rendre compte, emporté par le tourbillon de la vie, jusqu’à ce qu’un événement singulier ramène à l’essentiel.
Lucienne avait accueilli la nouvelle avec beaucoup de calme et de sagesse.
Elle n’était pas dupe, cette visite inattendue de Juliette ne pouvait signifier qu’une seule chose.
Et c’était sans grande surprise.
Sa grande sœur qui s’en va à 99 ans, elle qui ne voulait pas atteindre les 100, c’était parole tenue !
Et puis, la sagesse avait cédé la place à l’introspection sur le visage de la vieille femme.
Lucienne était revenue à une réflexion plus personnelle.
— Qu’est-ce que je fais encore là ? avait-elle demandé à voix haute. A quoi ça sert que je sois encore là ?
La question avait mis Juliette dans l’embarras, ne sachant vraiment pas quoi lui répondre, tandis que le regard de Lucienne s’était perdu dans le vague.
Juliette tenait sa tasse de thé en silence, absorbée dans ses pensées.
Lucienne, à 94 ans n’avait plus sa sœur, plus son mari, plus ses enfants.
Elle avait connu la guerre, la fuite sur les routes pour échapper à l’invasion.
Plus tard, deux enfants handicapés, morts tous deux avant leurs 40 ans.
Lucienne a surmonté de sacrées difficultés, elle n’a pas eu la vie facile, se disait Juliette.
Et pourtant, elle était là, le sourire aux lèvres, sa bonne humeur habituelle, son sens de l’humour sans limite, sa présence bienveillante.
Juliette prit la parole spontanément, brisant le silence, comme si elle ne pouvait plus retenir cette question :
— Comment t’as fait ?
Lucienne la regarda surprise, sortant aussi de ses pensées.
— De quoi tu parles ?
Juliette secoua la tête, prenant conscience que Lucienne n’était pas dans le train de ses propres pensées.
— Comment t’as fait, répéta-t-elle, pour vivre cette vie, surtout deux enfants handicapés que tu as accompagnés jusqu’à la mort ?
Lucienne sourit timidement, les yeux humides amplifiant la lueur de sa belle âme.
— Un jour après l’autre, lui répondit-elle, un jour après l’autre …
La porte s’ouvrit brusquement.
— Bonjour Mme Terrier ! dit une voix pressée.
— Bonjour Agnès, je vous présente ma petite nièce qui est venue me voir.
Elles échangèrent un salut silencieux de la tête, tandis qu’Agnès semblait suivre une routine habituelle dans l’appartement.
— Comment allez-vous ce matin, Agnès ? Comment va le petit Paul ? reprit Lucienne sur un ton revigoré.
L’aide-soignante s’arrêta dans son élan.
— Il … il est encore très faible, il a du mal à se remettre du dernier traitement, répondit-elle d’une voix effacée.
Juliette tentait de suivre la conversation.
— Allons, allons, il va reprendre du poil de la bête, le petit bonhomme, j’en suis sûr, continua Lucienne.
Elle se pencha sur le côté et réussit tant bien que mal à attraper un livre.
— Tenez, vous lui donnerez ça, reprit-elle, c’est le numéro des Schtroumpfs qu’il voulait si ma mémoire ne me fait pas défaut.
— Oh madame Terrier, fallait pas, dit Agnès poliment en se rapprochant pour prendre le livre, mais ça lui fera vraiment plaisir, je lui dirai de vous écrire une petite carte dès qu’il pourra.
— Ta ta ta, qu’il prenne d’abord soin de lui pour que sa maman puisse se reposer aussi ! sourit Lucienne.
— Oui j’en ai bien besoin, le prochain traitement est le mois prochain et j’aimerais vraiment qu’il …
— Ta ta ta, interrompit Lucienne.
Elle posa sa main sur le bras d’Agnès.
— C’est un jour après l’autre, Agnès, un jour après l’autre …
Agnès ferma les yeux, comme pour empêcher des larmes de sortir.
— Merci Mme Terrier, dit-elle doucement puis en reprenant son rythme pressé. Je vous vois demain même heure, ok ? J’ai fait court pour vous laisser avec votre petite nièce.
— C’est parfait, à demain, Agnès, répondit Lucienne.
La porte se referma derrière l’aide-soignante.
— Excuse-moi pour l’interruption, Juliette, dit Lucienne. Qu’est-ce que je disais déjà ?
Le visage de Lucienne reprit des traits plus tristes.
— Ah oui, continua Lucienne, tu vois avec ma sœur partie maintenant, je me demande encore ce que je fiche ici !
Juliette sourit.
— Et pourtant, répondit Juliette, et pourtant …
Éclaireur
(pour en savoir plus sur mon cheminement, lire qui suis-je ?)
Merci Jean Philippe pour cette très belle histoire lumineuse….j’ai la réponse à la même question que je me posais 😃
Belle journée à toutes et tous
Gratitude 💕 pour cette histoire !!!
Elle me parle tellement… que je me suis souvent posée la question 🧩 ???
Dans les moments de tristesse profonde pour avancer quand « m’aime »… ❤️💙💗
C’est tellement Juste = chaque jour après l’autre… ✅
Et il n’y a pas de hasard, si je lis cela justement aujourd’hui, à présent 💚💗🎁 puisque parfois et aussi par foi, l’oubli est là…
Alors merci 🙏 aussi d’être là, d’être entrée un jour dans ma Vie !!! Ce fut une rencontre à Paris lors de la venue de notre Ami « Conversation avec Dieu 💗💕💓
Quel Bonheur 🥰 grâce à ce cheminement à la Source 💧💦
Merci
Un grand merci Jean-Philippe pour cette belle et touchante histoire de vie.
merci Jean Philippe pour cette histoire si délicate, vivre pleinement l’instant présent
Ce qu’elle fiche encore vivante ? Et bien, elle donne encore du bonheur à ceux qui en ont besoin. Quelle merveille d’exister ainsi ! Quelle belle nourriture tu offres, Jean-Philippe…
Merci Jean -Philippe pour toutes ces belles histoires qui ont un sens.
Je les lis avec beaucoup d’intérêt et je me laisse ressentir ce que cela vient me dire.
Un tout grand merci.
🙏
Michèle
cette histoire me conforte encore vis à vis de ce que je traverses et ton aide Jean-Philippe, tu m’aide tellement, merci pour tous tes conseils et ces messages… grâce à ton travail, je vais beaucoup mieux merci à toi de laurence
Histoire très touchante et pleine de sagesse : hé oui, que fait encore cette belle dame âgée dans un ehpad : du bien autour d’elle 🙂
Merci pour ce beau récit jean Philippe comme tant d’autres que vous nous partagez, A un certain âge on se pose cette question mais effectivement, un jour après l’autre et à chaque jour suffit sa peine