Comment j’ai trahi un mec super honnête

— Je n’ai pas l’impression de trahir quelqu’un d’autre, dis-je en continuant de réfléchir.

Nous discutions avec un ami des différentes perspectives d’expression de la blessure de trahison (lire également : Observez votre blessure sous tous les angles).

J’arrivais à mettre de la lumière sur comment j’ai été trahi dans certaines situations, comment je pouvais moi-même me trahir en n’exprimant pas ma vérité, mais pas moyen de mettre de la conscience sur une expérience où je trahissais l’autre.

J’essayais d’être le plus honnête avec moi-même mais c’était difficile, je devais avoir de grandes œillères 😁.

L’Univers a répondu à mon appel et m’a fait vivre plus clairement cette expérience de trahison, où c’est moi qui en était à l’origine !

Ce n’est qu’un jeu voyons … !

Et c’est pendant un jeu de société cet été que j’ai pu faire l’expérience de trahir quelqu’un, de super honnête qui plus est !

Les jeux de société, de rôle peuvent être très révélateurs des émotions, des réactions, des comportements et des blessures.

Car la plupart du temps, on se laisse prendre au jeu, on lâche le contrôle, et les blessures peuvent s’exprimer plus librement … !

C’est ce qui s’est passé pour moi.

Laissez-moi le temps de vous expliquer car le contexte du jeu est important.

Sinon vous pouvez passer directement à la partie « Debriefing » !

Nous sommes 9 à table et le facilitateur prépare le jeu au milieu de celle-ci.

Le jeu s’appelle Secret Hitler.

Chaque joueur est membre du parlement et peut être soit « libéral » soit « fasciste ».

L’un des fascistes est Hitler.

Le but des fascistes est de faire élire Hitler. Le but des libéraux est de l’empêcher.

Certains pourraient dire que ce n’est pas très lumineux ou inspirant comme jeu (et je suis le premier chez moi à préférer les jeux collaboratifs !) mais vous allez voir que ça peut être source de prises de conscience.

J’avais déjà joué à quelques reprises dont une qui m’avait beaucoup marqué quelques années auparavant.

La personne qui avait le rôle secret d’Hitler cette fois-là, avait gagné ma confiance pendant le jeu alors que j’étais libéral. A la fin de la partie, je suis le président du parlement, je la choisis pour l’élection, et la personne annonce qu’elle est Hitler !

Les fascistes avaient gagné la partie et c’était ma faute …

Jeu ou pas jeu, j’avais ressenti comme une déchirure dans mon cœur à ce moment-là !

J’avais eu confiance et j’avais été trahi.

Aïe.

J’en avais gardé un goût amer.

Cette fois-ci, j’étais curieux de rejouer pour « voir » sans me douter de la tournure que ça allait prendre.

Les cartes des rôles sont distribuées en secret.

Chacun regarde discrètement quel rôle il va devoir jouer.

Et je suis désigné pour jouer le rôle … d’Hitler !

Aïe !

Un long chemin vers la trahison …

Mon cœur commence déjà à battre plus fort, je sens une pression monter à l’idée de devoir faire semblant tout du long.

Une partie de moi n’aime pas ça du tout.

J’envisage même de faire rapidement une erreur exprès pour terminer la partie et changer de rôle.

Les joueurs s’observent déjà, pour guetter les premières réactions et la partie commence.

Sans rentrer dans le détail, les étapes du jeu permettent d’avoir quelques informations minimes sur le rôle de chacun, mais il y a toujours un doute et il est très facile de se raconter des histoires sur la base d’un de ces détails.

Pour ma part, j’essaie de comprendre encore les règles du jeu à ce stade et comment jouer le rôle qui m’a été attribué et dans lequel je suis très inconfortable …

A un moment, j’ai cru que c’était perdu.

Le jeu me propose de vérifier l’identité d’une joueuse pour la partager avec le groupe.

Regardant discrètement sa carte, je découvre qu’elle est « fasciste ».

J’ai un moment de flottement, car il va falloir que je mente au groupe mais je me reprends et j’annonce à tout le monde qu’elle est « libérale ».

Je m’observe en train de mentir et un stress s’installe en moi.

La partie continue, mais plus tard, dans le jeu, tout le monde découvre que cette même joueuse est belle et bien dans l’équipe « fasciste » !

Je me suis dit à ce moment-là que c’était fini : puisque j’avais dit qu’elle était libérale un peu plus tôt, j’étais désormais grillé devant une telle évidence de mensonge !

Et bien non !

Personne ne le mentionne à mon grand étonnement et la partie continue longuement !

Les libéraux et les fascistes sont désormais au coude-à-coude.

C’est le dernier tour possible où tout va se jouer.

Avec un peu de chance, je vais recevoir les bonnes cartes et je vais pouvoir gagner.

Mais pour cela, il va falloir que je trahisse une personne.

C’est mon tour d’être le président du parlement.

Le facilitateur du jeu m’explique que j’ai désormais un droit de veto sur la prochaine étape en tant que président et que je peux l’utiliser ou non.

Les libéraux sont désormais confiants car ils savent que je peux utiliser ce droit au cas où cela tourne mal pour eux et donc que la partie est sur le point d’être gagnée.

Les cartes tirées au sort sont en ma faveur pour mon rôle d’Hitler.

A ce moment-là, je sais que j’ai gagné avec les « fascistes ».

Tout ce qu’il me reste à faire, c’est de choisir un joueur et le piéger en lui donnant le « choix » entre deux cartes … identiques.

Je choisis l’un des joueurs « au hasard » (peu importe à ce stade du jeu), un gars super sympa, gentil et honnête dans la vraie vie.

Il croit que je suis un libéral.

Il regarde les deux cartes et il voit qu’il n’a pas le choix.

S’il choisit de jouer, il perd la partie avec les libéraux.

Il me demande donc comme une formalité si je veux utiliser le droit de veto pour annuler ce tour.

Je le regarde droit dans les yeux et je lui réponds « non » à la stupeur générale.

Il reste figé, je retourne ma carte secrète et dévoile que je suis « Hitler ».

Le temps est suspendu.

Je lis sur son visage la surprise de la trahison.

Je ressens sa douleur, son incompréhension, sa blessure à mesure que je ressens la mienne à ce moment-là.

Je m’interroge d’ailleurs : suis-je en train de projeter ma blessure sur lui ?

Cela a beau être un jeu, les émotions sont là, contenues certes mais présentes.

Je me dis intérieurement en m’observant : alors ça fait « ça » de trahir …

Et en même temps, je ressens une satisfaction d’avoir gagné le jeu.

Un sacré mélange d’émotions et de pensées qu’il a fallu que je digère le reste de la soirée.

Débriefing

J’ai donc trahi un mec super honnête pendant ce jeu, parce que mon rôle m’invitait à le faire pour gagner.

Le lendemain, je repense à cette partie à tête et émotions plus reposées et je me dis qu’il n’y a pas de hasard.

Pourquoi est-ce que c’est tombé sur cette personne précisément et pas sur quelqu’un d’autre ?

Je prends justement le café avec lui le lendemain matin, on discute de la vie, de spiritualité, du sens des expériences, … Il commence à me raconter sa vie sentimentale et comment il a été trahi à plusieurs reprises … !

Tandis que moi, dans le jeu, je faisais l’expérience de cette blessure comme « traître », lui, en faisait l’expérience comme « victime » !

Il n’y a pas de hasard, nous sommes tous là, les uns les autres, pour nous montrer à nous-mêmes, pour créer des expériences qui vont mettre en évidence ce que l’on ne veut pas nécessairement voir, pour apporter de la conscience sur nos blessures, pour nous inviter à les guérir.

C’est la magie de la Vie.

Et ce, même pendant un simple jeu …

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5 réflexions au sujet de “Comment j’ai trahi un mec super honnête”

  1. C’est particulier, je vis présentement une trahison mais une vraie trahison de personne que je pensais intègres. Les émotions sont au plys fort. J’ai des choses à comprendre.

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  2. Bonjour Jean Philippe
    Expérience très intéressante… Le rôle du puissant Hitler… qui n’a pas été jugé dans ce monde malheureusement car Dieu ne punit pas… on ce prend vite au jeu et on trahit… pour gagner… tellement humain
    Cela vous a fait vous questionner… et cette expérience à la fin a été bénéfique ❤️❤️❤️❤️

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  3. Toutes mes félicitations pour nous présenter la dualité que chaque être humain éprouve presque assurément , au moins une fois dans sa vie. C’est une profonde et très réussie exposition de la part d’ombre et de lumière qui font partie intégrante des êtres humains. Cette superbe réflexion mène justement à plus de lumière intérieure , qui ne demande qu’à rayonner également à l’extérieur de nous. Le plus important est d’en prendre conscience , et tenter d’apprendre au maximum de nos erreurs , afin d’évoluer pour notre plus grand bien , et celui des autres par ricochet. ( Richard Bernier , enseignant à la retraite et diplômé en littérature anglaise et française )

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  4. bonjour PHilippe, merci pour ce partage.
    oui la vie est un jeu, c’est très clair et ds ce que vs rapportez, je trouve intéressant de retrouver celui que vs avez trahi ds le jeu de rôle pour en discuter, ça me semble plus facile que ds cette réalité dslaquelle je viens de recevoir trois fois de suite l’expérience de dire non face à des arnaques et je n’en est pas été capable mais la st Michel dure jusqu’au 19 novembre cette année, sans doute, j’aurais d’autres occasions haha

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  5. Bonjour jean Philippe
    Dans ce jeu comme dans la vie réelle les rôles s’inversent
    tu es dupé en premier et le tour d’après tu deviens celui
    qui dupe dans les deux cas pas facile d’assumer.
    Trahir une personne qui s’est fait déjà trahir plusieurs fois
    il en ressort un sentiment de déjà vue.
    certaines rencontres nous prouvent à quel point nous avons
    tous les mêmes blessures à soigner vécues différemment.
    Merci à toi de nous faire réfléchir et merveilleuse semaine.

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