Accepter de ne pas savoir, une force ?

« La carte n’est pas le territoire », pourrait résumer le début de cet article avec une formulation PNListe (d’après la Programmation Neuro-Linguistique).

Autrement dit, ce que je perçois du monde, ce que je sais du monde, n’est qu’une carte imparfaite, une représentation personnelle d’un territoire, d’une réalité.

Donc ma vision du monde n’est parfois qu’une version déformée, souvent incomplète de la réalité.

Et avec un peu trop d’ego et peu de recul, on va croire que cette carte du monde EST la réalité et tout ce qui n’apparaît pas dans cette carte est alors « faux ».

Car ça peut être difficile de dire : « Je ne sais pas ».

Surtout quand notre chemin est remplie d’études, de diplômes, …

Mais le hic malgré tout cela, c’est que je ne sais pas ce que je ne sais pas !

Ce que je sais peut représenter une infime portion de ce que je peux savoir, comprendre, appréhender.

Après des années d’étude individuelle ou des siècles de recherche scientifique à titre collectif, une société construite sur la connaissance, l’instruction voire le culte de la science … ça ferait mal à l’ego d’accepter cela n’est-ce pas ? 🙂

En fait, il y a très souvent (toujours ?) une partie connue et une partie inconnue.

Une partie dont on a connaissance et une partie que l’on ne connaît pas.

Une partie dont on a conscience et une partie qui nous dépasse complètement.

Une partie visible et une partie invisible.

Un exemple pas si anodin

Parler une autre langue, ce n’est pas seulement communiquer avec d’autres personnes, c’est comprendre une culture, c’est s’ouvrir à une nouvelle manière de pensée et de voir le monde.

Personnellement, c’est en m’immergeant dans la culture anglophone en Nouvelle-Zélande que ma manière de penser a pu évoluer.

Une autre manière de vivre, de gérer les problèmes, de prendre des risques m’ont permis d’avancer sur mon chemin entrepreneurial et spirituel.

Mais sans aller jusque là, parfois un simple mot peut mettre en évidence tout un système de croyances d’une société.

Prenez le mot « gourmandise » et essayez de l’expliquer à une personne de culture américaine (des Etats-Unis, j’entends).

Bien sûr, déjà dans le monde francophone, on pourrait avoir des définitions différentes.

La mienne, pourrait être quelque chose comme :

« Manger pour la joie que ça peut apporter sans avoir nécessairement faim ».

Exemple typique : je sors de la boulangerie avec une baguette tiède et hop, je croque un morceau par gourmandise :-).

En cherchant à traduire cela pour une personne de culture américaine, déjà, d’une part, il n’y a pas de traduction littérale qui reprend la même nuance, d’autre part, on se rend rapidement compte que la relation à la nourriture est complètement différente, et que les croyances associées également.

Un simple mot est déjà une carte du territoire parmi d’autres cartes.

En ayant la tête dans ma propre carte, je n’ai pas conscience qu’il peut y avoir d’autres cartes.

Même si je me dis que j’observe ma carte pour la remettre en question, comment je fais pour prendre conscience des autres cartes possibles ou bien même de la réalité ?

Peut être en commençant à accepter que ce que je sais est (très) limité.

Ce que j’observe me trompe

Peut-être avez-vous entendu parler du biais du survivant ?

L’exemple typique est celui des bombardiers qui revenaient du front pendant la deuxième guerre mondiale.

Pendant longtemps, les équipes étudiaient les impacts des appareils qui rentraient pour déterminer où il fallait les renforcer : plus il y avait d’impacts à un endroit précis, plus il fallait renforcer.

Sauf que ces études ne prenaient PAS en compte les appareils qui ne rentraient PAS !

Ceux qui rentraient étaient capables d’encaisser les impacts à certains endroits (puisqu’ils étaient rentrés !), donc il fallait renforcer les endroits des appareils où il n’y avait pas d’impacts !

Erreur de raisonnement jusque-là, car ce qui était observé n’était pas complet, ne représentait pas la réalité.

Ma manière de réfléchir va être fortement impactée par ma manière d’observer et donc par mon système de croyances.

Même en cherchant à être neutre, en identifiant les hypothèses, le cadre de départ, nous restons humains, individuellement et collectivement et nous avons notre carte du territoire qui peut nous tromper.

La certitude sur un piédestal

Grand passionné de sciences depuis tout petit, ce que j’aimais surtout c’est qu’elle me rassurait, parce qu’on savait comment une chose marchait. Et j’ai longtemps cru en sa toute puissance.

D’ailleurs, si j’aimais autant l’informatique, c’est parce qu’il y avait cette certitude dans la logique, dans l’algorithmique, dans le déroulement d’un programme, dans le « SI … ALORS » :-).

Bien programmé, il n’y avait pas de failles, pas de bugs !

SI je fais ceci, ALORS il se passe cela !

Comme la vie était simple !

Sauf quand ça buggait, quand ça ne marchait pas …

Et quand ça arrivait, ça m’agaçait au plus haut point !

Car, je croyais qu’il était possible d’atteindre le 100% de certitude que ça fonctionne comme prévu.

Mon rapport à l’incertitude était difficile du coup dans ma vie, notamment dans les relations humaines, vous vous en doutez !

Et quand j’ai commencé le développement personnel, j’étais frustré parce que ça ne fonctionnait pas tout à fait selon le principe que j’aimais tant.

Mais l’enthousiasme, la curiosité et l’expérience l’ont emporté (ouf, merci !).

Et j’ai accueilli, expérience après expérience, technique après technique, j’ai senti le changement, le progrès, l’ouverture, la libération dans ma vie et dans celle d’autres personnes : PNL, hypnose, énergétique, …

Mais je me suis vite rendu compte que j’étais rentré dans un monde qui était très peu conciliable avec la science (pour l’instant).

Car la science n’arrivait pas à expliquer ces techniques, surtout lorsque c’était relié à la médecine ou au bien-être. La science rejetait ou rejette encore ces techniques.

Plus ou moins différemment selon les pays ou les cultures dans le monde d’ailleurs, vous avez noté :-).

J’ai compris très récemment une raison pour laquelle, d’après moi, la science pourrait se tromper.

Vous avez dit « reproductibilité » ? 16 lettres !

C’est dans une vidéo qui défendait le principe de reproductibilité que ça a fait tilt dans ma tête.

Pour que la recherche valide scientifiquement une technique, il faut qu’elle puisse reproduire l’expérience, grosso-modo.

Intéressant, mais quand l’expérience n’est pas reproductible ? ou bien que chaque cas est différent ?

Surtout en développement personnel où l’on considère que chaque individu est unique, dans sa manière de voir le monde, dans son système de croyances, dans son expérience de vie.

Surtout en développement personnel où il peut être extrêmement difficile (pour l’instant ?) de mesurer les résultats autrement que dans le ressenti – évidemment très subjectif – de la personne !

D’autant que parfois, le résultat peut être immédiat ou presque mais souvent, ça peut mettre des semaines, des mois (des années ?) pour porter ses fruits concrètement (d’autant qu’on n’en prend pas conscience de suite !) et le lien avec ce qui a été pratiqué / expérimenté est loin d’être évident !

Ça vous est peut-être arrivé de prendre conscience beaucoup plus tard d’un changement de comportement sur lequel vous avez travaillé auparavant ou bien c’est quelqu’un autour de vous qui vous le signale !

Alors ?

Comment je fais pour mesurer dans ces cas-là ?

Et ce qui va marcher pour une personne, ne va peut-être pas marcher pour une autre ?

Donc pour moi, il y a une erreur dans l’approche, dans la manière d’observer, dans la manière de réfléchir.

Le problème, ce n’est pas tant de faire une erreur, c’est d’agir et de décider en fonction de cette erreur mais aussi de continuer à la faire quand on voit de plus en plus qu’elle a des limites pour expliquer des phénomènes.

Heureusement, la communauté scientifique semble traverser une crise de la reproductibilité :-).

– Ah ben mince, on n’arrive pas à reproduire vos résultats ! Ca a VRAIMENT marché chez vous ? Sûr hein ?

– Oui, oui, promis, ça a marché chez nous !

– Rhooo … pfiouuu, pourquoi ça marche pas chez nous alors !

Ca va peut-être en amener certains à revoir leur approche, à élever leur conscience (ça se mesure ça ?), et voir que ce qu’ils observent n’est qu’une partie de la réalité.

Epistémiologie de comptoir ?

Je ne suis pas expert en histoire des sciences ou en méthodologie de la recherche. Désolé, si j’ai trop simplifié ou si je fais de l’épistémologie de comptoir.

Je vous livre très simplement et peut-être naïvement mes réflexions actuelles dont les conclusions ou les leçons me semblent importantes aujourd’hui.

Ce que j’observe ( et qui est donc peut-être erroné 😉 ), c’est qu’on a fait beaucoup d’erreurs par le passé en tant que société, notamment à travers les sciences, on s’est trompé sur notre réalité parce qu’on n’observait qu’une partie, sous un certain angle, avec plus ou moins de lumière :-).

J’aime la science mais j’aime encore plus l’humilité de ceux et celles qui la pratiquent, et aujourd’hui ce n’est pas tant le CV qui m’attire mais l’ouverture des scientifiques et leur capacité à dire « Je ne sais pas ».

Voire à remettre en question certaines certitudes et à secouer le cocotier !

Ce n’est pas parce qu’on n’arrive pas à prouver quelque chose que cela n’existe pas, ou que cela ne marche pas.

Et ne pas arriver à prouver quelque chose scientifiquement ne devrait pas uniquement remettre en question la chose en question, mais tout autant la manière d’observer scientifiquement l’expérience.

Qu’est-ce que j’aimerais entendre dire plus souvent qu’on ne sait pas, ou bien qu’on s’est trompé …

J’ai lu quelque part qu’en réalité pour l’aspirine ou le paracétamol, on ne comprenait pas encore très bien comment cela fonctionnait (concrètement !).

De même, certains hôpitaux font appel à des coupeurs de feu sans savoir ni comment ni pourquoi cela marche.

L’effet placebo a lui aussi sa part de mystère et la page wikipedia me fait rire quand elle explique :

Une diminution de symptômes après traitement par placebo pourrait aussi s’expliquer par une guérison spontanée ou une régression naturelle de la maladie

« Non, non, non, le patient ne va pas mieux grâce au placebo, mais simplement parce qu’il y aurait guérison spontanée ou régression naturelle de la maladie … », sans savoir pourquoi :-D.

En disant « Je ne sais pas », j’ouvre un espace devant moi à ce que je ne sais pas, un espace vide.

Et l’Univers ayant horreur du vide, les réponses viennent …

Pourquoi c’est difficile ?

En fait, il y a une autre chose très importante derrière tout cela.

Dire « Je ne sais pas », c’est beaucoup plus courageux que ce que je pensais.

Un peu plus tôt, je disais que je trouvais la science « rassurante ».

Parce que sans elle mais surtout sans comprendre comment le monde fonctionnait, j’avais peur.

C’est la peur de l’inconnu, la peur de ne pas savoir, la peur de ne pas pouvoir maîtriser ou contrôler.

Et la peur mène à beaucoup de choses qui ne servent pas le bien-être commun (voir aussi l’article « Il y a pire que le coronavirus, n’ayez pas peur »).

C’est donc en arrêtant d’avoir peur, en arrêtant de vouloir contrôler que les réponses viendront.

En arrêtant de croire que savoir c’est avoir le pouvoir.

Et en sens inverse, en arrêtant de trop donner notre pouvoir à ceux qui disent savoir.

Ne pas savoir, c’est OK :-).

C’est un lâcher-prise collectif qui est nécessaire (et tout le monde sait lâcher prise individuellement !).

Il y a ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas.

Il y a le visible et l’invisible à différents niveaux.

Ce que vous croyiez vrai hier, ne le sera peut-être plus demain.

La réalité d’aujourd’hui sera peut-être l’illusion de demain.

Et si on allait explorer ce que l’on ne sait pas, sans carte, mais dans la joie et la confiance … de ne pas savoir :-).

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4 réflexions au sujet de “Accepter de ne pas savoir, une force ?”

  1. cela me fait du bien’merci’d’entendre un point de vue relativiste dans ce monde soumis àla science et à la technologie je ne suis pas un robot et .ne suis qu’humaine philosophe et fragile.

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  2. Excellent ! Merci beaucoup Jean-Philippe pour ce partage qui résonne en moi… Merci pour tout tes partages qui sont toujours très bienvenus! Merci d’être qui tu es et de continuer à nous partager tes expériences.

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  3. GENIALE, TON ANALYSE, Jean Philippe !!!
    et toujours « tombant A PIC »

    Merci, (ter !)
    Alléluya (ter)

    Très belle journée, confiants et optimistes, dans ce Monde merveilleux et Inconnu
    et A PLUS
    et j’ai trop envie de te dire « je taime » que … je dis « je t’aime » !!! frèrot

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  4. J’ai apprécié cette lecture. Je dis souvent, que le plus important, c’est de continuellement poser des questions. Les réponses viennent au moment approprié. Au moment de prendre ma retraite, je terminai mes remerciements en disant que ce que j’avais appris au cours des 40 dernières années, c’est que je ne savais rien. Je le pense toujours. J’aime laisser la Vie oeuvrer…

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