Le chevalier du Nouveau Monde

Le chevalier se grattait le menton.

Il n’arrivait manifestement pas à ouvrir cette porte.

Et ce n’était pas la première.

Il en avait déjà essayé une dizaine, en vain.

Le château était une forteresse, très bien fermée de l’intérieur.

Régulièrement, il prenait un peu de recul et voyait la princesse dans sa tour, crier à l’aide.

« Venez m’aider, j’ai peur, sauvez-moi ! », disait-elle, sur un ton dramatique.

« Je vais vous sortir de là, mademoiselle ! », répondait-il sur le ton bien connu des chevaliers.

Mais le chevalier commençait à être à court d’idées et jurait dans sa barbe.

« Pu-naise de porte … ! », disait-il en donnant des grands coups de hache.

Toutes les portes qu’il avait essayées étaient trop solides ou bien verrouillées.

Pire, il avait l’impression que plus il essayait d’en ouvrir une et plus elle se renforçait.

Jusque-là, il avait essayé la force mais il fallait se rendre à l’évidence, cette stratégie ne fonctionnait pas.

  • Il avait essayé d’escalader les murs mais à chaque fois la corde ne tenait pas, ou l’échelle basculait.
  • Il avait essayé de mettre le feu à la porte pour l’affaiblir mais le feu s’arrêtait trop rapidement, comme s’il s’éteignait tout seul.
  • Il avait essayé de creuser directement un mur mais rien à faire, le mur semblait se réparer de lui-même.

Le chevalier se demandait quelle sorte de magie pouvait bien l’empêcher de rejoindre la princesse !

Lui qui était si fort, si intelligent, il ne pouvait se résigner à lui aussi demander de l’aide !

Après de trop nombreuses tentatives, il finit par demander à la princesse comment rentrer dans le château.

Mais elle répondit la même chose :

« Venez m’aider, j’ai peur, sauvez-moi ! », disait-elle, ignorant sa question.

Le chevalier répéta la question :

« Oui, j’ai bien compris … mais comment rentrer dans le château ? », dit-il en essayant de cacher son agacement grandissant.

Et la princesse répondit encore :

« Venez m’aider, j’ai peur, sauvez-moi ! », disait-elle machinalement.

Comme si elle ne l’entendait pas.

C’était assez.

Quelque chose clochait et il fallait faire autrement.

C’est pour cette raison qu’il se grattait maintenant le menton !

Pour réfléchir !


Le chevalier prit une respiration, puis alla s’asseoir près d’un arbre sur une petite colline face à la tour.

« Venez m’aider, j’ai peur, sauvez-moi ! », disait encore la princesse au loin, comme un disque rayé.

Mais le chevalier attendit, en silence.

Un jour, deux jours, trois jours, …

La princesse commença à se mettre en colère, voyant le chevalier attendre sans rien faire.

« Mais venez me sauver, bon sang ! », disait-elle, à bout de patience.

Le chevalier ne répondit pas.

La princesse enragea et énuméra des noms d’oiseaux dans sa direction …

Elle disparut de la fenêtre mais on entendait encore les cris de rage à l’intérieur.

Un peu plus tard, la colère s’atténua et la princesse revint à la fenêtre.

« J’ai vraiment besoin de votre aide ! », dit-elle, très calmement.

Le chevalier se redressa.

« Besoin de mon aide pour faire quoi – exactement – ? », demanda le chevalier.

La princesse, interloquée, fit une pause avant de répondre :

« Ben, je suis enfermée ! »

« Qu’est-ce qui vous empêche de sortir – exactement – ? », questionna-t-il encore.

La princesse fit une nouvelle pause.

« J’ai peur ! ».

« Peur de quoi – exactement – ? », demanda-t-il encore calmement.

« J’ai … j’ai peur de sortir ! », dit-elle enfin, surprise elle-même de sa propre réponse.

Elle se mit à sangloter.

Le chevalier se releva.

Il se rapprocha du château et dit d’une voix enveloppante :

« C’est justement pour ça que je suis là, pour vous protéger en dehors du château mais c’est à vous de vouloir en sortir d’abord. ».

La princesse cacha son visage dans ses mains et disparut de la fenêtre.

Quelques instants plus tard, l’une des portes du château s’ouvrit, non sans mal et la silhouette de la princesse apparut.

Le chevalier s’approcha, lui tendit la main.

La princesse la prit et sourit.

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3 réflexions au sujet de “Le chevalier du Nouveau Monde”

  1. Cher Jean-Philippe. J’adore vos “histoires”, vos contes et je les lis avec gourmandise. Leur sens est si clair et donne à réfléchir. Ils m’apaisent, me réjouissent et me font avancer sur le chemin de la sérénité et de l’amour. Ça change du tumulte ambiant. Merci cher éclaireur. En ce moment, je me répète en boucle “@je te pardonne”. Ça m’évite de partir en live… Je vous embrasse. 💓😋💓

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