Le train est prêt à partir … avec vous

Le train était prêt à partir.

Je venais de monter à bord et l’ambiance était chaotique.

C’était le train que tout le monde attendait, depuis si longtemps.

Certaines personnes essayaient de reprendre leur souffle après une course effrénée pour monter à temps.

Le soulagement se lisait sur ces visages fatigués.

Ils se congratulaient, bloquant la circulation, oubliant que d’autres passagers essayaient de monter eux aussi.

Les banquettes se remplissaient petit à petit.

Certains hurlaient à la fenêtre, à ceux qui couraient sur le quai :

— Mais dépêchez-vous, bon sang ! Courez plus vite ! Que vous êtes lents !

L’agacement laissait la place parfois à la colère.

Leurs voisins leur jetaient un regard réprobateur.

D’autant que quand certaines personnes n’arrivaient pas à monter à bord, ces passagers déjà installés commençaient à se moquer :

— Oh ce que vous êtes nuls, vous ne voyez pas qu’il y a des marches pour monter, peut-être qu’en fin de compte vous devriez rester sur le quai, ha ha ha !

Voyant que leur humour ne plaisait pas à leurs voisins, ils finirent par se calmer.

D’autres encore discutaient sur une banquette :

— Moi, cela fait des heures que je suis là, je ne comprends vraiment pas comment on ne peut pas arriver à l’heure pour ce train, c’est quand même incroyable !

— Comme je vous comprends, je suis arrivé hier soir, vous comprenez ma frustration désormais, répondit son interlocuteur en regardant sa montre.

Certaines personnes restaient là, assises, silencieuses, comme si la confiance que le train allait partir leur apportait toute la sérénité dont elles avaient besoin.

Ça se bousculait un peu sur le quai, pour que tout le monde puisse monter.

Le chaos s’auto-organisait tant bien que mal pour faire encore plus de place pour les nouveaux arrivants qui continuaient d’affluer.

Quelques personnes étaient là pour rassurer, pour organiser, pour aider à trouver une place ou bien simplement pour leur partager un petit peu d’eau.

Mais on sentait la tension monter, comme si le temps jouait contre les passagers.

C’est alors que le chef de train fit son apparition, balayant du regard l’ensemble du wagon.

Doté d’un certain charisme, le silence se fit au fur et à mesure qu’il avançait dans les rangs.

Un léger sourire était dissimulé derrière sa grande barbe blanche.

— Allons, allons, merci de garder le calme tout le monde, dit-il d’une voix profonde qui ancra un silence complet dans l’habitacle.

— On aurait dû partir il y a des heures déjà ! se plaignit quand même un passager.

— Des jours mêmes ! renchérit un autre.

— Combien de temps encore allons-nous attendre ? s’inquiéta un troisième.

— On ne va pas attendre tout le monde, tant pis, allons-y ! s’exclama un jeune homme en faisant un geste motivant du bras.

Le chef de train attendit que le silence se fasse, puis se tourna, le regard dur et bienveillant, vers le jeune homme qui changea d’attitude aussitôt.

Tout le monde se tut en regardant le chef de train se diriger vers lui, d’un pas lent et décidé.

Arrivé presque nez à nez, il le regarda droit dans les yeux, le regard rempli d’amour.

— Ecoutez-moi bien, jeune homme, dit-il de sa voix profonde, ce train partira quand nous aurons embarqué tous les passagers qui ont un billet.

— Mais …, tenta d’interrompre le jeune homme.

— N’êtes-vous pas vous-même arrivé “en retard” ? demanda le chef de train. N’avez-vous pas mis du temps à partir de chez vous, hésitant à laisser derrière vous certaines affaires auxquelles vous étiez particulièrement attaché ?

— Comment … comment savez-vous ?

— Vous étiez “en retard” pour d’autres personnes de leur point de vue. Auriez-vous apprécié que le train parte sans vous ?

— Non, bien sûr …

— D’autres personnes sont en retard car elles ont, elles aussi une raison. Elles hésitent, elles ont peur, elles aident peut-être encore d’autres personnes à rejoindre le quai, les rassurant pour le voyage à venir, …

Il fit une pause et caressa sa barbe blanche.

Il recula d’un pas et s’adressa à toutes les personnes présentes.

— Ce n’est pas un train comme les autres, vous le savez. Le but n’est pas qu’il parte à l’heure, mais qu’il parte avec tous les passagers qui ont un billet. Vous ne devriez donc pas vous demander s’il va partir à l’heure, ce n’est pas une course contre la montre, ce n’est pas une course contre les autres.

Il marqua une pause et prit une voix plus inspirante.

— Vous devriez vous demander comment vous pouvez aider tous les passagers à monter dans ce train. A votre manière, selon votre envie et ce que vous pouvez apporter. Tout ce dont vous avez besoin vous sera mis à disposition.

— Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin, dit le proverbe, partagea timidement un passager.

Le chef de bord hocha la tête en signe d’approbation.

— On ne fait pas grandir une plante en tirant sur ses feuilles, partagea une autre.

Le chef de bord hocha à nouveau la tête.

— On ne réveille pas …, commença un autre encore mais il fut interrompu cette fois d’un geste du chef de bord.

Ce dernier reprit la parole.

— Cela prendra le temps qu’il faudra et le train partira lorsque tout le monde sera prêt. Est-ce que c’est clair pour tout le monde ?

Les passagers du wagon firent tous un signe d’approbation.

— Bien, dans ce cas, vous savez ce qu’il vous reste à faire ! termina-t-il en claquant dans ses mains.

Le chef de bord continua ensuite son chemin vers le prochain wagon.

Derrière lui, les passagers restèrent quelques instants à se regarder puis se mirent en mouvement de manière plus harmonieuse et joviale qu’auparavant.

Le vieil homme à la barbe blanche jeta un œil derrière lui pour observer la scène et sourit en passant la porte vers le prochain wagon.

Partagez cet article à vos amis :

Laisser un commentaire

9 réflexions au sujet de “Le train est prêt à partir … avec vous”

  1. Bonjour Philippe,

    J’apprécie beaucoup tous tes textes et ton investissement.
    Et j’aime ton texte ” Le train est prêt à partir”. Savoir être patient, encore et encore. Le Monde ne s’est pas fait en un jour et le nouveau Paradigme se met en place, donc PATIENCE, le temps aux Etres Humains ( que nous sommes) de réaliser ce qui se passe, qu’ils apprennent à être CONSCIENT. Que chacun puisse avoir la chance ou l’En-Vie d’évoluer de vivre dans la PAIX. Tout cela prend du temps ! Je suis dans le train ……..🙏

    Répondre
  2. Bravo Jean-Philippe ! Le meilleur texte que vous avez écrit !
    Je vais le transférer à mes amis, ceux que l’on surnomme ‘’les complotistes’’, réveillés et éveillés depuis la 1ère heure et manifestants dans l’âme contre les élites ou plutôt ‘’pour’’ le nouveau monde.
    Partir ? S’exiler ? Tout laisser pour le nouveau monde ou la 5D ? Suis-je moi-même prête à le faire ? J’œuvre a mon niveau pour aider les victimes, les malades, mais de là à tout quitter …
    J’aimerais que le chef de bord m’attende avec bienveillance le jour où je me déciderai 🙏
    Encore bravo 🎉
    Chris

    Répondre
  3. Merci Jean-Philippe pour ce conte très très inspirant. Je trouve que tu es un très bon raconteur. ça me touche et jamais moralisateur. Continues. Tu fais beaucoup de bien par ces petites histoires. Au plaisir…Lise du Québec!

    Répondre