Quand ça ne marche plus, créons !

Beaucoup rêvent d’un monde différent, d’un monde nouveau.

Le monde d’actuel, ne convient pas, ne convient plus. Règles obsolètes, valeurs humaines réduites voire absentes, structures égotiques, … les raisons ne manquent pas ! 🙂

Souvent, l’envie de changement passe par la résistance, l’affrontement, la révolution, “aller contre” en somme.

Mais en faisant ainsi, on renforce ce que l’on combat : Tout à ce quoi tu résistes, persiste.

Vous n’aimez pas la chambre en désordre de votre enfant ? 

Vous avez beau répéter de ranger la chambre, vous pouvez observer la persistance du désordre jour après jour … 🙂

Alors comment faire ?

Un nouveau pays est né !

Mai 1967. Un ingénieur italien, Giorgio Rosa, décide de construire une plateforme au large des côtes italiennes, dans les eaux internationales. 400 m² qui regrouperont bientôt un restaurant, un bar, une boutique de souvenirs et un bureau de poste.

La république de Rose Island est créée, même si elle n’est reconnue par aucun autre pays. Elle a son timbre, sa monnaie, sa langue et un gouvernement.

Bien sûr, cela ne convient pas aux autorités italiennes qui voient cela comme un moyen d’échapper à l’imposition. Et l’affaire prend une telle ampleur que l’armée italienne finit par couler la plateforme en février 1969 !

Un film est sorti fin 2020 à ce sujet, si vous voulez connaître un peu plus l’histoire (un peu romancée sans doute) : Rosa Island.

Personnellement ce que j’aime, c’est l’intention, le principe derrière : “Je n’aime pas les règles du pays dans lequel je vis ? Eh bien, je vais créer mon propre pays avec ses propres règles !”

Je trouve ça fabuleux de penser comme cela et d’agir dans ce sens ! 🙂

Ok, il ne reste rien de cette histoire à part un film donc ?

Pas si sûr …

Depuis 1947, un territoire situé entre l’actuelle Serbie et l’actuelle Croatie n’est revendiqué ni par l’une, ni par l’autre. En 2015, un activiste Tchèque décide d’y créer un micro-état qu’il appellera Liberland.

Sa devise : Vivre et laisser vivre

Dans les milieux libertariens, la nouvelle se répand comme une traînée de poudre. Et quand les inscriptions sont ouvertes pour demander la citoyenneté, ce n’est pas moins de 200 000 candidatures qui sont faites en une semaine !

Les efforts et les soutiens affluent, le micro-état se dote d’une constitution, d’une monnaie, …

Est-ce une blague ? Un projet anarchique ? Un nouveau paradis fiscal ?

Moi, ce qui m’enthousiasme, c’est qu’un gars, un jour, trouve un bout de terrain que personne ne veut et s’est dit qu’il allait créer un nouveau pays ! 🙂

Voilà déjà (à peine ?) 6 ans que ça dure. Je suis très curieux de voir comment ça va évoluer !

Ok, tout ça, c’est bien beau, mais ça ne change pas fondamentalement le quotidien vous me direz !

L’exemple suivant est un peu plus long et légèrement technique mais c’est intéressant de comprendre comment en changeant de simples règles, l’impact peut être exponentiel (sinon passez directement à la section d’après).

L’imprimante ne marche pas !

Richard est frustré, il a besoin d’imprimer là, maintenant.

Richard est informaticien. Nous sommes au MIT, aux Etats-Unis dans les années 80 du siècle dernier (!).

Il parvient à corriger le programme qui permet d’utiliser l’imprimante (le “pilote” ou “driver”) et arrive à imprimer.

Jusqu’au jour où l’imprimante est changée.

Et impossible de modifier le programme, cette fois, le fabricant ne donnant pas accès au code (les lignes de programmation, la “recette”).

Richard comprend qu’il y a un problème avec cette manière de faire.

Il décide de créer la Free Software Foundation, la fondation pour les logiciels libres.

Le projet phare de cette fondation est une licence d’utilisation des logiciels : la GNU GPL.

Restez avec moi, vous allez comprendre ce qu’est une force collective pacifique !

Que signifie concrètement cette licence ?

  1. la liberté d’exécuter le programme, pour tous les usages ;
  2. la liberté d’étudier le fonctionnement du programme et de l’adapter à ses besoins ;
  3. la liberté de redistribuer des copies du programme (ce qui implique la possibilité aussi bien de donner que de vendre des copies) ;
  4. la liberté d’améliorer le programme et de distribuer ces améliorations au public, pour en faire profiter toute la communauté.

La seule contrainte est qu’un logiciel dérivé d’un logiciel libre doit rester un logiciel libre.

Prenons une analogie pratique !

Un programme informatique c’est comme un plat cuisiné.
Ce qu’on appelle les sources du programme, c’est comme la recette du plat.

Sans la recette précise, pas moyen de recréer le plat.

Je vous emmène maintenant au restaurant, dans ce restaurant on ne sert que des plats qui ne sont PAS libres.

Vous commandez votre plat, par exemple une choucroute.

Votre assiette arrive, elle est posée devant vous.

Vous prenez votre fourchette et vous commencez à manger.

Jusqu’ici tout va bien, rien d’anormal, c’est la liberté numéro 1.

Maintenant, vous décidez de goûter plus précisément le plat, de deviner les ingrédients, vous commencez à en parler à vos amis (liberté numéro 2)

Le serveur intervient : “Ta ta ta, désolé, vous ne pouvez pas faire ça, vous n’avez pas le droit d’étudier comment est fait le plat !”

Tiens, bizarre …

A défaut de pouvoir en parler à vos amis, vous décidez de leur faire goûter (liberté numéro 3).

Le serveur intervient à nouveau : “Ta ta ta … désolé, vous ne pouvez pas faire ça non plus, vous n’avez pas le droit de partager votre plat”.

Bon ! Ça commence à bien faire !

“Je vais le manger tout seul ce plat !”, ronchonnez-vous en prenant le pot de moutarde.

Mais au moment où vous déposez la moutarde dans l’assiette (liberté numéro 4), le serveur intervient : “Ta ta ta, désolé, vous n’avez pas le droit de modifier le plat !”.

Et là, qu’une seule envie, lui envoyer la choucroute dans la tronche … 😉

Vous avez compris, ces libertés sont importantes au restaurant, mais également dans le monde du logiciel.

Et la suite de l’histoire va leur donner raison !

Au début des années 90, c’est l’avènement d’internet. Les gens se connectent de plus en plus entre eux par intérêts.

C’est un vaste support de communication qui permet l’émergence d’une intelligence collective aux quatre coins du monde.

En 1991, Linus Torvalds, finlandais, crée un programme informatique appelé système d’exploitation (comme MS Windows ou MacOS). Son nom : Linux.

Il cherche une licence qui lui convient et choisit la GNU GPL de Richard Stallman.

Le projet explose pour devenir en 2015 un programme informatique de 20 millions de lignes de code, créées par près de 15000 développeurs provenant de 1200 entreprises partout dans le monde. Le coût du projet est estimé à 3 milliards de dollars s’il devait être recréé depuis zéro.

Aujourd’hui, Linux est utilisé par près de la moitié des appareils dans le monde. Vous avez un téléphone Android ? Il utilise linux ! Une box internet ? Elle utilise très probablement des logiciels libres (regardez les licences dans les paramètres).

Beaucoup de logiciels utilisés sur internet sont basés sur des logiciels libres, que ce soit à des niveaux très techniques ou bien pour les utilisateurs finaux avec Firefox ou Chrome (basé sur le logiciel open source chromium).

Internet ne serait peut-être pas ce qu’il est aujourd’hui sans les logiciels libres !

Sans cette licence libre !

Sans ce problème qu’a voulu résoudre un gars dans une salle informatique, il y a 40 ans !

Bref, je m’égare, c’est un sujet qui m’enthousiasme ! 🙂

Mais cette fameuse licence a suscité énormément de controverse et de polémique au cours des dernières décennies, la bataille a fait rage entre les acteurs traditionnels et les partisans des logiciels libres.

De grands noms de l’informatique comme Sun ou Microsoft se sont retrouvés aux tribunaux à propos de brevets logiciels violés par les logiciels libres. Il y a eu de l’intimidation, de la propagande, et puis tout ça s’est tassé. Microsoft est d’ailleurs devenu depuis le plus important contributeur aux logiciels libres …

Le chemin a été laborieux, l’une des citations les plus utilisées au sein de la communauté libre était :

D’abord, ils vous ignorent, ensuite ils se moquent de vous, après ils vous combattent, et puis vous gagnez.

Si vous observez bien, la démarche du logiciel libre n’a jamais été d’aller contre – sans pour autant se laisser marcher dessus – mais avant tout d’avancer en montrant un mode de fonctionnement différent.

En fait, le problème de l’ancien mode de fonctionnement, c’est qu’il ne pouvait pas lutter contre un mouvement pacifique qui faisait son bonhomme de chemin sans être dans l’opposition active (sauf dans les forums 😉 ).

Je fais un truc qui marche dans mon coin, si les gens aiment, ils adhèrent, soutiennent, contribuent, co-créent la suite tous ensemble, en respectant les règles définies.

Autres exemples pour finir

Les exemples risquent d’être polémiques, la question, n’est pas tant de savoir s’ils sont “biens” ou “mauvais” mais de voir comment dans un contexte, des personnes sont amenées à créer de nouvelles choses, de nouvelles manières de penser ou de faire !

Les monnaies

Bitcoin. Sujet d’actualité … controversé. Je ne suis pas là pour convaincre de quoi que ce soit, ou pour dire si c’est bien ou “pas bien”. Prenons simplement un peu de hauteur sur le projet et sur les intentions supposées qui ont amené à sa création.

La crise des sub-primes en 2008 montrent les dérives d’un système financier mondialisé qui impactent vraiment la vie des personnes. Il y a un problème de confiance.

Un inconnu publie début 2009 sur un forum un logiciel libre (tiens tiens ! 😉 ), une monnaie digitale décentralisée qui fonctionne sans intermédiaire, permettant les échanges de manière sécurisée à coût modique et de manière instantanée ou presque. Les lois mathématiques de la technologie blockchain assurent la confiance dans les échanges.

En 10 ans, le projet a pris une ampleur incroyable, des milliers de projets “blockchain” sont créés.

Il y a de tout et du (grand) n’importe quoi. Et bien sûr beaucoup de spéculation.

Mais le point de départ, c’est une personne qui n’étaient pas satisfaite des règles de fonctionnement et qui a décidé de créer quelque chose de différent.

Le bitcoin est-il une bonne chose ? Je n’en sais rien.

Est-ce qu’il va changer le monde de la monnaie ? Je n’en sais rien.

Mais c’est une remise en question, car manifestement, le mode actuel ne convient plus à de plus en plus de personnes.

Pendant la crise Grecque, les banques ont fermé, l’économie grecque n’était plus en mesure de fonctionner, l’argent liquide n’était plus disponible. C’est dans ce contexte que des monnaies locales ont été créées, indépendamment du gouvernement, pour que les communautés puissent continuer à échanger biens et services.

Le solutions émergent souvent d’en “bas” pour peu que quelqu’un décide de les créer.

L’information

De la même manière, au fur et à mesure des années (et de manière accélérée avec la crise du coronavirus), de moins de moins de personnes étaient satisfaites par l’information diffusée dans les médias traditionnels.

Manque de clarté, imprécisions, incohérences, peu importe les raisons.

Certaines ont donc créé leur propre moyen de diffusion (merci internet) pour donner leurs perspectives sur les informations, l’actualité, etc.

Bien sûr, il y a de tout, là aussi.

J’ai aussi vu qu’un conseil scientifiquement indépendant avait été formé par rapport à la crise sanitaire.

Même principe, un groupe de personnes n’est pas satisfait du travail du conseil scientifique officiel, alors ils ont créé le leur et partagent le fruit de leur travail.

On aime ou on n’aime pas, mais je trouve ça toujours mieux que d’être dans l’opposition constante à ce qui est.

Conclusions

Il faut bien se rendre compte que pour trouver de nouvelles voies, de nouvelles solutions, il faut explorer.

Il faut essayer, se tromper, recommencer.

Il y a donc une phase exploratoire avec beaucoup, beaucoup de projets qui n’aboutiront pas, qui n’intéresseront personne, et qui s’arrêteront dans un processus de sélection naturelle.

Mais ce n’est pas une raison pour ne pas créer !

Bien au contraire.

Une création en amène une autre, sert de brique ou d’inspiration.

C’est à chacun de le faire.

Bousculer les règles, trouver des solutions nouvelles, penser et faire différemment.

Oui, il y a du “bon” et du “mauvais”, et encore, c’est difficile de juger, aujourd’hui.

Les sciences nous ont amené la physique quantique, la technologie nucléaire, la bombe, les centrales, mais peut-être qu’un jour, elles nous permettront de mieux comprendre l’univers, qui nous sommes et ce qu’on fait là.

La phase exploratoire peut être chaotique, incertaine, mais c’est en prenant du recul que l’on comprend la direction.

Si vous regardez une peinture de près, vous trouverez des erreurs dans les détails, mais c’est en faisant quelques pas en arrière que vous apprécierez la toile dans son ensemble.

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3 réflexions au sujet de “Quand ça ne marche plus, créons !”

  1. waouuu magnifique merci, c’est très clair, évident et si approprié …
    et je suis bien persuadée que du chaos né les idées les plus géniales
    car nos génies vont pouvoir se lâcher…. enfin s’exprimer !

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